J'avais déjà évoqué sur le blog la participation de travailleurs Chinois au chantier de construction du chemin de fer Congo-Océan (cf http://voyage-congo.over-blog.com/article-le-petit-cimetiere-le-carre-chinois-39193420.html).
Une carte postale m'a mis sur la piste de la localisation du "camp" où ces travailleurs Chinois avaient été rassemblés à Pointe-Noire. La carte montrant une vue du quartier évoque des travailleurs "Anamites" (avec une faute à la clé... tout comme à "Pointes-Noires", mis étrangement au pluriel !).
Le terme utilisé est impropre puisqu'il s'agit bien d'ouvriers Chinois recrutés en 1929 dans la région de Canton et Hong-Kong, et pas Indochinois (l'Annam étant le nom donné au Vietnam tout entier, ou bien à sa seule partie centrale).
Le cliché n'est pas de très bonne qualité, mais en zoomant un peu, on découvre un ensemble de petits baraquements "en dur", posés sur une lande sableuse, avec çà et là quelques palmiers.
Certaines cases comportent un auvent et le "camp" est entouré d'une clôture. L'arrivée des Chinois à Pointe-Noire le 13 juillet 1929 ne fut pas de tout repos. Visiblement la plupart de ces hommes avaient été recrutés de force... Ils avaient également effectué un très long voyage (2 mois) dans le bateau affrété depuis Haïphong par le Gouverneur d'Indochine.
On relate que sitôt débarqués, ils se mirent à piller la ville et à rosser les gendarmes Noirs ! Il fallut mettre à Pointe-Noire une garnison de gendarmes Européens et les encadrer fortement pour que le calme revienne...
Ce seul cliché ne permet pas vraiment de situer le quartier des travailleurs Chinois du Congo-Océan.
Mais un plan de Pointe-Noire de 1931 m'a permis d'identifier qu'il s'agissait de la Côte Sauvage, plus précisément d'une zone rectangulaire, située entre la future gare voyageurs du CFCO et le port.
A partir de là, une vue aérienne de Pointe-Noire vers 1935, montre toute l'étendue du quartier, implanté sur la bande de terre entre la gare de marchandise et l'Océan Atlantique.
Il fallait loger environ 600 personnes. Tout avait été prévu pour que les travailleurs Chinois soient accueillis dans de bonnes conditions matérielles. Le campement était en "maçonnerie", chacun avait un lit et une moustiquaire. La nourriture venait en partie de Chine, et de la viande fraîche était distribuée tous les jours.
On remarque en bas à gauche du cliché, d'autres petites cases, construites sans doute postérieurement au campement chinois, tout au long de la rue menant au bord de mer (voie menant à la Côte Sauvage aujourd'hui, vers le Sea Club, puis le Yes Club).
Les travailleurs Chinois avaient bénéficié d'une période d'acclimatation avant d'être envoyés sur les chantiers du Mayombe (cf http://voyage-congo.over-blog.com/2015/07/congo-ocean-camp-chinois-mayombe.html).
C'est donc très probablement dans ce quartier qu'ils furent "acclimatés", à deux pas de leur lieu de débarquement. Les consignes du Ministère des Colonies en la matière étaient strictes, s'opposant aux pratiques antérieures du Gouvernement de l'AEF. Il fallait à tout prix éviter de reproduire les erreurs passées et l'hécatombe qui avait décimé les travailleurs issus du Congo et des territoires voisins.
Ce fut une réussite sanitaire puisque l'on dénombra très peu de victimes. Par contre, l'intégration dans le travail fut un échec !
Seul un petit noyau d'ouvriers resta durablement à l'œuvre sur le chantier du chemin de fer Congo-Océan.
Source :
Notes sur la construction du chemin de fer Congo-Océan (1921-1934) - Gilles Sautter - Cahiers d'études africaines, Année 1967, Volume 7, Numéro 26 - p. 219 - 299
Une rare photographie montre ces ouvriers Chinois à l'œuvre dans les environs de Pointe-Noire Le terrain est sablonneux et plat. On devine au centre la voie ferrée (ou tout au moins une voie de service avec des wagonnets, à droite).
On identifie clairement un Chinois avec un couvre-chef caractéristique, assis, avec un outil à la main. Ses camarades autour semblent plutôt porter un casque colonial.
Retournement de l'histoire, c'est dans ce même quartier que le restaurant le Yes Club a pris des allures asiatiques en 2010.
http://voyage-congo.over-blog.com/article-samedi-tour-du-proprietaire-plage-53037385.html
Et bien sûr, les Chinois ont obtenu depuis le début des années 2000 nombre de chantiers de construction au Congo, et ce sont eux qui font travailler les autres maintenant !
L'ancien quartier des travailleurs Chinois de Pointe-Noire a complètement disparu... La zone s'est largement urbanisée, il s'agit aujourd'hui grosso modo de la rue N'Kipessi et de l'avenue N'Téta. On y trouve par exemple le Wilson Guest Hôtel.