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26 juillet 2015 7 26 /07 /juillet /2015 21:00

J'avais déjà évoqué sur le blog la participation de travailleurs Chinois au chantier de construction du chemin de fer Congo-Océan (cf http://voyage-congo.over-blog.com/article-le-petit-cimetiere-le-carre-chinois-39193420.html).

Une carte postale m'a mis sur la piste de la localisation du "camp" où ces travailleurs Chinois avaient été rassemblés à Pointe-Noire. La carte montrant une vue du quartier évoque des travailleurs "Anamites" (avec une faute à la clé... tout comme à "Pointes-Noires", mis étrangement au pluriel !).

Le terme utilisé est impropre puisqu'il s'agit bien d'ouvriers Chinois recrutés en 1929 dans la région de Canton et Hong-Kong, et pas Indochinois (l'Annam étant le nom donné au Vietnam tout entier, ou bien à sa seule partie centrale).

Quartier des "Annamites", travailleurs du chemin de fer, Pointe-Noire vers 1930 (cliché Fouladou)

Quartier des "Annamites", travailleurs du chemin de fer, Pointe-Noire vers 1930 (cliché Fouladou)

Le cliché n'est pas de très bonne qualité, mais en zoomant un peu, on découvre un ensemble de petits baraquements "en dur", posés sur une lande sableuse, avec çà et là quelques palmiers.

Certaines cases comportent un auvent et le "camp" est entouré d'une clôture. L'arrivée des Chinois à Pointe-Noire le 13 juillet 1929 ne fut pas de tout repos. Visiblement la plupart de ces hommes avaient été recrutés de force... Ils avaient également effectué un très long voyage (2 mois) dans le bateau affrété depuis Haïphong par le Gouverneur d'Indochine.

On relate que sitôt débarqués, ils se mirent à piller la ville et à rosser les gendarmes Noirs ! Il fallut mettre à Pointe-Noire une garnison de gendarmes Européens et les encadrer fortement pour que le calme revienne...

Baraquements du camp des travailleurs chinois (détail carte postale, cliché Fouladou)

Baraquements du camp des travailleurs chinois (détail carte postale, cliché Fouladou)

Ce seul cliché ne permet pas vraiment de situer le quartier des travailleurs Chinois du Congo-Océan.

Mais un plan de Pointe-Noire de 1931 m'a permis d'identifier qu'il s'agissait de la Côte Sauvage, plus précisément d'une zone rectangulaire, située entre la future gare voyageurs du CFCO et le port.

Plan de Pointe-Noire : camp des travailleurs Chinois (© Vennetier)

Plan de Pointe-Noire : camp des travailleurs Chinois (© Vennetier)

A partir de là, une vue aérienne de Pointe-Noire vers 1935, montre toute l'étendue du quartier, implanté sur la bande de terre entre la gare de marchandise et l'Océan Atlantique.

Il fallait loger environ 600 personnes. Tout avait été prévu pour que les travailleurs Chinois soient accueillis dans de bonnes conditions matérielles. Le campement était en "maçonnerie", chacun avait un lit et une moustiquaire. La nourriture venait en partie de Chine, et de la viande fraîche était distribuée tous les jours.

On remarque en bas à gauche du cliché, d'autres petites cases, construites sans doute postérieurement au campement chinois, tout au long de la rue menant au bord de mer (voie menant à la Côte Sauvage aujourd'hui, vers le Sea Club, puis le Yes Club).

Vue aérienne du camp des travailleurs Chinois du CFCO (extrait carte postale vers 1935)

Vue aérienne du camp des travailleurs Chinois du CFCO (extrait carte postale vers 1935)

Les travailleurs Chinois avaient bénéficié d'une période d'acclimatation avant d'être envoyés sur les chantiers du Mayombe (cf http://voyage-congo.over-blog.com/2015/07/congo-ocean-camp-chinois-mayombe.html).

C'est donc très probablement dans ce quartier qu'ils furent "acclimatés", à deux pas de leur lieu de débarquement. Les consignes du Ministère des Colonies en la matière étaient strictes, s'opposant aux pratiques antérieures du Gouvernement de l'AEF. Il fallait à tout prix éviter de reproduire les erreurs passées et l'hécatombe qui avait décimé les travailleurs issus du Congo et des territoires voisins.

Ce fut une réussite sanitaire puisque l'on dénombra très peu de victimes. Par contre, l'intégration dans le travail fut un échec !

Seul un petit noyau d'ouvriers resta durablement à l'œuvre sur le chantier du chemin de fer Congo-Océan.

 

 

Source :

Notes sur la construction du chemin de fer Congo-Océan (1921-1934) - Gilles Sautter - Cahiers d'études africaines, Année 1967, Volume 7, Numéro 26 - p. 219 - 299

 

Travailleurs Chinois à Pointe-Noire (La Presse Coloniale Illustrée - Mars 1930)

Travailleurs Chinois à Pointe-Noire (La Presse Coloniale Illustrée - Mars 1930)

Une rare photographie montre ces ouvriers Chinois à l'œuvre dans les environs de Pointe-Noire Le terrain est sablonneux et plat. On devine au centre la voie ferrée (ou tout au moins une voie de service avec des wagonnets, à droite).

On identifie clairement un Chinois avec un couvre-chef caractéristique, assis, avec un outil à la main. Ses camarades autour semblent plutôt porter un casque colonial.

Vue sur les voies ferrées, la gare de marchandises, et le quartier Chinois vers 1930 (carte photo)

Vue sur les voies ferrées, la gare de marchandises, et le quartier Chinois vers 1930 (carte photo)

Retournement de l'histoire, c'est dans ce même quartier que le restaurant le Yes Club a pris des allures asiatiques en 2010.

http://voyage-congo.over-blog.com/article-samedi-tour-du-proprietaire-plage-53037385.html

Et bien sûr, les Chinois ont obtenu depuis le début des années 2000 nombre de chantiers de construction au Congo, et ce sont eux qui font travailler les autres maintenant !

L'ancien quartier des travailleurs Chinois de Pointe-Noire a complètement disparu... La zone s'est largement urbanisée, il s'agit aujourd'hui grosso modo de la rue N'Kipessi et de l'avenue N'Téta. On y trouve par exemple le Wilson Guest Hôtel.

Entrée du restaurant Yes Club en 2010 (© FabMoustic)

Entrée du restaurant Yes Club en 2010 (© FabMoustic)

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commentaires

S
Bonjour fabrice,<br /> <br /> merci pour ces infos.<br /> Juste une précision il existe une famille TANG VANG SAO à Pointe Noire d'origne Vietnamienne que j'ai bien connu. l'un d'eux métis ( noir et asiatique) travaillait au CFCO avant de créer les cinémas CLUB 7, Roy, Rex et Duo dont il ne reste plus grand chose aujourd'hui. Je pense donc que des vietnamiens on bien participé à la construction du CFCO.
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F
Bonsoir,<br /> On ne peut pas exclure que des ouvriers Indochinois ont travaillé sur le chantier du CFCO. Le voyage d'une colonie française à l'autre était possible !<br /> Mais j'évoque un épisode bien particulier, un bateau qui est arrivé précisément le 13 juillet 1929 à Pointe-Noire avec à son bord 600 CHINOIS (cf commentaire précédent).<br /> Votre connaissance de Pointe-Noire a pu travailler bien sûr au CFCO après sa mise en exploitation, mais ce n'est pas pour cela qu'il a travaillé au chantier de construction du CFCO. Il faut être conscient que cette personne serait plus que centenaire (par exemple, en ayant 20 ans en 1929, cela ferait 106 ans en 2015). Cela correspond t-il à sa tranche d'âge ??
L
Il me semblait bien avoir lu à diverses occasions que des travailleurs indochinois avaient été "importés" pour achever les travaux du CFCO. On retrouve cette thèse chez différents auteurs comme ici : <br /> "Pour pallier la mortalité élevée des travailleurs africains, la Société de construction des Batignolles fit appel à des travailleurs indochinois4." (Wikipédia) le renvoi nous dit : "4 Bernard Nantet: "Dictionnaire d'Histoire et Civilisations africaines" (éditions Larousse 1999)". <br /> Je me garderai bien de considérer ces faits comme avérés, d'autant plus que je n'ai pas retrouvé le texte cité dans la référence, mais rien a priori ne nous autorise à affirmer que sur les travailleurs recrutés en Indochine tous étaient chinois.<br /> J'ai un ami qui est le petit fils de l'un des 3 chinois qui sont restés au Congo à la fin des travaux.
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F
Ma source est l'étude du Professeur Sautter (1967), référence sur la construction du CFCO. Il indique justement que le recrutement a eu lieu en Chine, dans la région de Canton et de Hong-Kong, via la concession française en terre chinoise de Kouang-Chéou-Wan. Si le Gouverneur d'Indochine a prêté son concours à l'opération pour affréter le bateau, via un armateur de Haïphong (port du Nord de l'Indochine), il n'est pas question d'ouvriers Indochinois.<br /> La confusion est facile, car tout le monde a oublié ce minuscule territoire "français" de Kouang-Chéou-Wan, occupé de 1898 à 1946, et situé non loin du Nord de l'Indochine.<br /> Après, qui peut dire qu'il y avait zéro Indochinois dans ce recrutement effectué en 1929, sans doute personne !
L
Joli boulot Fabrice.<br /> <br /> Non, bien sûr le cimetière chinois n'a pas disparu, il est bien entre plage et CFCO, mais un peu plus loin derrière la résidence côte sauvage de Total au cimetière dit du centre ville. c'est de lui dont tu parles dans ta réponse. La description faite par Jean-Louis Domergue colle à la perfection. Il ne parle nullement de tombes éparses.
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F
Merci Lionel !<br /> Je voulais être sûr que Jean-Louis parle de la même localisation. Il évoque en effet des "tombes massives en ciment" et une localisation entre la plage et la voie ferrée CFCO, ce qui colle avec le petit cimetière existant.<br /> Mais on aurait pu imaginer un premier cimetière plus près du camp Chinois, situé lui aussi entre la plage de la Côte Sauvage et la voie ferrée...
D
Lorsque j'étais gamin (je suis arrivé à Pointe Noire en 1947) et que nous allions nous baigner à la Côte Sauvage il y avait dans la brousse éparse entre la plage et le CFCO où nous jouions à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs (ou autre chose pour les plus grands) des tombes en ciment massives avec des écritures en chinois. Ces tombes étaient totalement à l'abandon et on peut imaginer qu'elles ont été détruites purement et simplement au moment de l'urbanisation de cet espace entre plage et CFCO .... On peut supposer qu'il existe bien quelque part quelques photos de ces dernières traces de ce village chinois que vous décrivez ici. Merci de faire remonter en moi ces souvenirs.
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F
Mon "frère" je présume ! Des souvenirs de la Côte Sauvage, du temps où elle était vraiment "sauvage" !
D
mon a tout dit ! de tres bons souvenirs merci du partage
F
Il faudrait être sûr de la localisation de ces tombes... S'agit-il du petit carré chinois (cliquez sur le lien dans l'article pour voir les photos), dans le cimetière proche du centre-ville, où se trouvent également des tombes d'européens ? Ou bien, ces tombes éparses dont vous parlez, ont-elles été rassemblées plus tard, dans la vaste tombe du petit carré chinois, qui existe toujours ?