Nous reprenons la direction du centre de Loudima. Tout le monde est content de la rencontre avec le vieux colonel, le Père Joseph nous dit, amusé, qu'il a un "curieux esprit", Manu et Christ semblent fiers d'avoir participé à cette entrevue.
Nous croisons sur le sentier un enfant auquel nous disons bonjour mais qui ne répond pas. Le prêtre nous dit qu'il n'a sans doute pas mangé à midi... Il semble en effet un peu éberlué sous le chaud soleil de cet après-midi.
Un peu plus loin, le Père Joseph rappelle à un autre jeune garçon qu'il doit le voir. Ce n'est cependant pas le bon moment pour discuter. Il m'explique que ce dernier a empoché l'argent, mais n'est pas venu faire les travaux de jardinage promis. Pas facile l'éducation !
Nous retrouvons la piste bordée de manguiers et passons devant la gendarmerie. Scène pastorale, des moutons paissent sur le terrain situé juste devant, où l'herbe verte parait bien tendre à croquer. Des arbres majestueux et imposants ont été préservés et forment un cadre bucolique autour du siège de la brigade territoriale de Loudima.
Arbre majestueux devant la gendarmerie
Juste après, nous tombons sur deux hommes en train de négocier. Un homme avec une mobylette sort d'un sac jaune... un singe ! C'est un petit singe au pelage gris et brun, à la longue queue orangée. Il a de longues pattes arrières et ses petites mains noires, recroquevillées par la mort, ressemblent singulièrement à celles d'un humain.
Un singe sorti du sac et le vendeur
Le chasseur nous raconte qu'il a tué le vieux mâle, chef de la bande, et un autre plus jeune. Le vieux mâle s'est défendu et a essayé de protéger ses congénères. Le chasseur ne fait pas dans la dentelle... Il nous dit clairement "Je me fous des Eaux et Forêts !". D'ailleurs, la transaction a lieu devant la gendarmerie ! Mais il ne veut pas être sur la photo.
Il nous tient également un discours pseudo-religieux, déjà entendu et effarant, sur les animaux "C'est Dieu qui les a créés, ça ne peut pas disparaître !". Malheureusement, il se trompe... Le Père Joseph ne commente pas ces propos.
Le chasseur nous raconte qu'il a tué également des chimpanzés, mais que c'était plus difficile, car ils se comportaient presque comme des humains. Le primate peut le supplier à genoux de ne pas le tuer, et lui montrer avec sa main le sang qu'il a essuyé de son front... L'homme malgré tout n'est pas insensible à ce type de scène.
Manu et le moustac mâle
Manu prend le singe afin que je fasse un meilleur cliché. Avec la queue, aussi longue que le corps, il doit faire dans les 130 cm de long. C'est un singe de la famille des cercopitèques (du grec cercos, queue et pithécos, singe).
Tête du moustac mâle
Christ me dit qu'il ne mange pas de "viande de brousse", encore moins du singe. Je lui confirme que c'est le meilleur moyen de mettre fin au trafic. S'il n'y a plus d'acheteur, les chasseurs auront beaucoup moins d'intérêt à les tuer. Il resterait une consommation personnelle, beaucoup plus limitée, nettement moins dommageable pour les espèces de primate.
Le singe Moustac
Ce singe est un cercopithèque, dénommé moustac à cause de son pelage, qui semble former une moustache noire au dessus de sa bouche. Le Cercopithecus cephus est assez commun, mais l'un des primates les plus colorés. Il a notamment le museau bleu et les favoris d'un jaune d'or.
Le moustac à face bleue est connu depuis le XVIIIème siècle en Europe (Linné, 1758) et les naturalistes français du Museum d'Histoire Naturelle en ont dressé le portrait depuis longtemps.
Moustac mâle (Museum d'Histoire naturelle - lithographie 1830 - Étienne Geoffroy Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier- Bernard GINESTE [éd.], in Corpus Étampois).
Il vit dans les forêts d'Afrique centrale, généralement en bande d'une dizaine d'individus, pouvant atteindre jusqu'à 35 individus, dominée par un mâle expérimenté. Il est diurne et frugivore (mais il mange aussi graines et feuilles), à tendance omnivore (il lui arrive de manger arthropode, oeuf, oisillon ou lézard).
Selon l'UICN, ce n'est pas une espèce menacée de disparition, elle est classée en "préoccupation mineure". La déforestation et la chasse sont tout de même ses deux ennemis.
Singe cephus Moustac (© Peggy Motsch - Gabon - 2011 - Wikipedia)
Cette espèce s'étend de la rivière Sanaga au Cameroun au sud et à l'est du fleuve Congo, et jusqu'au sud du cours inférieur du Congo, dans le coin nord-ouest de l'Angola. Son aire de répartition s'étend à l'est de la rivière Sangha.
Trois sous-espèces sont reconnues. La sous-espèce C. c. cephus se situe sur une grande partie de son aire de répartition, l'exception étant la région côtière du Gabon et du Congo délimitée par l'Ogooué et le fleuve Kouilou-Niari, qui est la région habitée par la sous-espèce C. c. cephodes. Un troisième sous-espèce C. c. ngottoensis est présente en République centrafricaine, où il est connu de l'est de la région de Kadei-Mambéré à l'Oubangui, se situant aussi loin au nord que Bangui, et dans le nord du Congo.