Après nos diverses émotions dans le quartier du marché, nous partons à pied vers l'avenue de Gaulle. Nous passons devant un centre de formation, puis devant le bureau de l'Etat Civil congolais. Christ me dit que cela coûte une fortune d'obtenir un livret de famille... Il faut payer cher pour l'obtenir ! Nous traversons ensuite la Tchinouka, rivière faisant autrefois office de "frontière" entre le village indigène et la ville européenne. Aujourd'hui, on y trouve un marché de meubles.
Nous effectuons une halte devant l'ancien siège de l'Assemblée Territoriale du Moyen-Congo. Pointe-Noire était alors la capitale de cette colonie française. Il se situe à côté de la boulangerie "La Gerbe d'Or", dénomination champêtre qui sent bon le terroir français !
Nous traversons l'avenue de Gaulle et vu nos déboires précédents, nous sommes plus prudents avant de faire une photo. Nous faisons semblant de chercher quelque chose et Christ me sert de "paravent".
A ce moment là, un homme sort d'un immeuble et m'interpelle "Bonjour, monsieur Fabrice !". C'est Hugo, un vendeur d'antiquités qui promet de passer me voir à l'hôtel. Je commence à être trop connu à Pointe-Noire...
Ancien bâtiment de l'Assemblée territoriale du Moyen-Congo
Le bâtiment (masqué en partie par une banderole parasite et zébré de fils électriques) est en béton ajouré, comme on le faisait dans les années 1950. Il est en bon état. De petits balcons et des claustras habillent la partie supérieure.
A chaque angle supérieur de l'édifice, on remarque la présence d'un blason. Ils sont bien rouillés... On croit deviner une femme ailée. Je n'en connais pas la signification. Cela date t-il d'avant ou d'après l'indépendance ?
Blason apposé sur le bâtiment
Christ me rappelle que c'est un lieu historique, car c'est ici que fut proclamée la République du Congo le 28 novembre 1958. Date occultée pendant des décennies, à cause du banissement de tout ce qui se rapportait à Fulbert Youlou pendant la période du régime marxiste... Certains ont demandé que ce jour soit lui aussi férié.
C'est aujourd'hui un centre de formation (école paramédicale). On a construit à l'arrière des bâtiments modernes pour accueillir les élèves.
Un peu d'histoire...
Les prémices de l'émancipation des colonies françaises ont eu lieu lors de la conférence du Général de Gaulle en février 1944 (cf Brazzaville et ses liens avec le général de Gaulle ), et puis plus concrètement lors du discours de Brazzaville en août 1958 (cf Brazzaville et ses liens avec le général de Gaulle (suite) ).
L'un des hommes politiques important à cette période est l'abbé Youlou, facilement reconnaissable sur les photos d'alors, car il porte toujours sa soutane, noire ou blanche selon les occasions. Il est le leader de l'UDDIA.
Fulbert Youlou et ses partisans de l'UDDIA (© Fonds René Gauze)
L’abbé Youlou appelle à voter « Oui » au référendum sur la Communauté franco-africaine du 28 septembre 1958. Ceci malgré une certaine réserve à l’égard du général de Gaulle, récemment "rappelé aux affaires" suite à la crise algérienne, méfiance réciproque, le général et sa femme (surnommée "tante Yvonne") n'appréciant guère de côtoyer un prêtre "défroqué" (il a des enfants et continue malgré tout à s'habiller en religieux...). Deux autres figures politiques congolaises de l'époque, Jacques Opangault et Jean-Félix Tchicaya (cf Pointe-Noire : bâtiment colonial, école Tchicaya ), appellent aussi à voter en faveur du texte. Avec 99,3% des suffrages exprimés, l’approbation l’emporte très largement. Le Moyen-Congo est alors sur la voie de l'autonomie.
Fulbert Youlou à Pointe-Noire en novembre 1958, aux côtés de Tchichellé (© Willy Sathoud)
Exactement deux mois après le référendum, l'Assemblée territoriale se réunit à Pointe-Noire sous la présidence de Christian Jayle (français membre de l'UDDIA). Le contexte est tendu car Youlou et ses alliés disposent de 22 sièges, et la coalition MSA/PPC de 23 sièges. Une quasi égalité... L'adhésion à la "communauté" initiée par de Gaulle et la proclamation de la République autonome du Congo ne posent pas de problème (44 voix sur 45).
Mais la mise en oeuvre d'une constitution est source de heurts entre les parties en présence. Le MSA (parti de Jacques Opangault) et le PPC (parti de Jean-Félix Tchicaya) quittent ainsi l'assemblée.
Fulbert Youlou proclamant la République du Congo, entourés de Jayle et Tchichellé (© Dépêches de Brazzaville)
En leur absence, les membres de l'UDDIA, de fait majoritaires, prennent des décisions. L’Assemblée territoriale devient alors législative, en quelque sorte le premier parlement de la République du Congo. La décision est prise de transférer son siège à Brazzaville, ce qui ne manque pas de provoquer des troubles, la population de Pointe-Noire étant sensiblement hostile au nouveau gouvernement. L'abbé Youlou est nommé Premier Ministre.
Après de multiples épisodes conflictuels entre partis politiques congolais, c'est le 15 août 1960 que la République du Congo passera de l'autonomie à l'indépendance.
Sources :
http://congo-liberty.com/?p=2091
http://www.congopage.com/Fulbert-Youlou-du-simple-pretre-a