Après l'installation "historique" de la mission catholique à Loango, les spiritains suivirent l'évolution des choses et s'implantèrent progressivement à Pointe-Noire.
Le débarquement à Loango en novembre 1922 de M. Rouberol accompagné de 8 agents de la SCB (Société de Construction des Batignolles), avait confirmé aux religieux la fin de leur petite ville comme ancrage principal de la colonie sur la côte congolaise... Pointe-Noire était choisie comme terminus de la ligne de chemin de fer.
En octobre 1923, l'escale maritime de Loango est supprimée, renforçant la nécessité d'être présent là où les navires s'arrêtent. En août 1924, les autorités administratives quittent définitivement Loango, pour le nouveau chef-lieu du Kouilou, Pointe-Noire, future plaque tournante du commerce. Il faut alors suivre là où se trouvent les fidèles...
Première "église" de Pointe-Noire construite en 1922 (source : Père Guy Pannier)
Il fallut attendre que le schéma directeur d'urbanisme de la future ville soit fixé, pour que les autorités administratives donnent aux spiritains le feu vert à une occupation d'un bout de terrain concédé à la SCB, vers le "Km 4".
Le premier lieu de culte fut très modeste. Une "chapelle" construite par la SCB en 1922, en fait une simple case rectangulaire en panneaux de papyrus, couverte d'un toit de "paille", et surmontée d'une croix. A côté, une sorte de petit clocher.
Cela n'empêchait pas la population locale de s'amasser devant, et en haut du "clocher", pour se faire photographier !
Pointe-Noire, case provisoire de la mission (Ed. Missions catholiques)
La mission catholique confirma son implantation par la construction d'une chapelle cette fois-ci en bois et d'une grande case en 1927. C'est en tout cas la date donnée par le Père Esswein, rendant douteuse la datation avancée (1923) par la légende de la photo ci-dessus. Les bâtiments "en dur" figurant en arrière plan (cf Pointe-Noire colonial : quartier CFCO et Pointe-Noire colonial : quartier CFCO (suite) ) laissent également à penser que le cliché est un peu postérieur à 1923.
Les premières années, le Père Esswein effectuait tous les dimanches le trajet depuis Loango pour dire la messe à Pointe-Noire ! Soit 20 km à pied ou en vélo (l'aller seul...).
Mission catholique de Pointe-Noire vers 1930 (carte postale)
Pour éviter la fatigue occasionnée par le trajet, le Père Esswein s'installa à demeure dans la "case en bois" en 1928.
Puis les financements furent trouvés pour ériger une "vraie" chapelle. Les travaux commencés le 2 février 1929, furent achevés en avril 1930. Bel édifice pour l'époque, de 27 mètres de long sur 11 de large.
Ce qui permit d'inaugurer symboliquement le lieu de culte le jour de Pâques. La mission prit quelque temps le nom de "Notre-Dame del Sasso". Le Père Paul Marion renforce l'effectif et la mission s'équipe alors d'une camionnette pour effectuer les trajets à Loango.
Mission catholique, chapelle "provisoire" et clocher vers 1934 (carte postale Ed. Pacalet)
Le rez-de-chaussée de la chapelle fut qualifié de "cathédrale", en attendant l'élévation d'un bâtiment digne de ce nom (cf Pointe-Noire colonial : cathédrale Notre-Dame ).
Les chambres des Pères se trouvaient à l'étage. Sans doute nettement plus confortables que la case en bois !
Pointe-Noire, groupe de néophytes, épiphanie 1934 (Ed. Missions Catholiques)
Ces faibles moyens des premières années n'empêchèrent pas les religieux d'être très actifs pour convertir la population locale.
On constate ainsi en 1934 que : "Dans la chapelle actuelle, les indigènes réussissent à s'entasser au nombre de 400 ou 500 ; mais, aux jours de fêtes, beaucoup doivent rester dehors. Nous avons actuellement 3 000 chrétiens, et ce nombre augmente rapidement : le jour de l'Epiphanie, il y a eu 224 baptêmes et 300 à Pâques". Le cliché ci-dessus montre la foule des nouveaux convertis.
Vue aérienne du quartier du Plateau vers 1950 (extrait carte postale)
Ainsi en 1934 : "La ville a déjà 400 Européens et 5 000 indigènes. Il est même curieux de constater que des Noirs viennent de plusieurs centaines de kilomètres pour chercher ici du travail, abandonnant à la savane de grandes étendues où des terres riches produiraient à peu de frais les fruits naturels du sol" (L. Roques). C'est un peu vite oublier que la région ressort exsangue de la construction du CFCO et que ces Noirs ne sont pas toujours venus de leur plein gré pour travailler à Pointe-Noire...
La chapelle de la mission catholique, devenue l'évêché, restera assez tranquille pendant plusieurs décennies, au bord de l'artère principale de Pointe-Noire, implantée entre le quartier du Plateau et celui du Km 4.
Evêché de Pointe-Noire vers 1950 (carte postale © PariSangha)
Elle sera entourée d'un "bouquet" de cocotiers et de palmiers, lui donnant un caractère exotique, qui inspirera les photographes.
Chapelle de l'évêché de Pointe-Noire vers 1980 (carte postale © Iris)
Mais l'urbanisation galopante des dernières années le long de l'avenue de Gaulle a privé la mission d'une partie de son enclos arboré, et la chapelle de sa visibilité.
Aujourd'hui le bâtiment est bien triste, et on peut passer à côté sans le voir (cf Bâtiment colonial : l'évêché de Pointe-Noire).
Sources :
Les Missions Catholiques - Revue n° 3.202 - 16 mai 1934 - "Pointe-Noire" - L. Roques.
L'Église du Loango 1919-1947 : Une étape difficile de l'évangélisation au Congo-Brazzaville - Guy Pannier. Editions Karthala -2009.