Carnets de voyages au Congo-Brazzaville, principalement à Pointe-Noire, mais aussi dans d'autres régions du Congo, agrémentés de photos, d'informations culturelles et touristiques et d'impressions personnelles.
Le monument au centre du rond-point dit du Tribunal ou du Consulat (de France) est enfin dévoilé ! La commémoration des 50 ans de l'Indépendance a permis de le sortir de son carcan de tôles (cf Rond-Point insolite ).
Avant de prendre une photo, Gauthier me conseille de demander l'aval aux militaires postés devant l'agence de la BEAC (Banque des Etats de l'Afrique Centrale). C'est l'organisme qui gère le "Franc CFA" (Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale) et qui fédère les six pays membres de la CEMAC. Il est vrai que le bâtiment "sensible" est situé juste dans ma ligne de mire, derrière le buste. Je traverse donc la place pour rejoindre trois hommes en tenue de camouflage (très utile en ville...) assis à l'ombre, de l'autre côté de la rue. Je les salue et leur tend une main qu'ils ne refusent pas. Ils sont par contre très peu diserts. Ils me répondent à peine, mais ne voient pas d'inconvénient à la prise du cliché. Miracle, ils ne me demandent même pas un petit billet ! Cela aurait été le comble devant la banque.
Centre du rond-point
Le monument est un buste posé sur un piédestal à plusieurs degrés, recouvert de marbre (?) gris-blanc. Le buste représente un homme jeune, presque souriant, habillé d'un costume et d'une cravate barrée de trois bandes. Le buste semble peint et pas en bronze massif. Il a été fait par des Coréens.
Buste de Joseph Pouabou
En dessous, la pose d'une plaque a légèrement fendu la pierre. On peut y lire "Joseph Pouabou Premier Président de la Cour Suprême 12 Mai 1919 / 15 février 1965".
Les informations que l'ont m'avaient données en décembre 2009 étaient donc presque justes. Afin d'honorer la mémoire du brillant magistrat, le rond-point porte désormais son nom. La stèle a été dévoilée début août 2010 en marge des commémorations du Cinquantenaire par M. Alexandre Honoré Paka (Préfet de Pointe-Noire) et le maire actuel, M. Roland Bouiti-Viaudo.
Un peu d'histoire...
Ce haut magistrat a donc été le premier à occuper ce poste de Président de la Cour Suprême lors de l'Indépendance du Congo en 1960. Il a été victime d'un assassinat politique en février 1965, sous la présidence de Massamba-Débat. C'est l'époque où le parti unique vient d'être instauré et où on chemine vers le "socialisme scientifique". Les positions de Joseph Pouabou ne sont pas alors du goût du pouvoir. Il est enlevé de nuit à Brazzaville et exécuté.
Si cet acte n'est pas attribuable directement au Président de la République de l'époque, le procès de 1969 attribuera cet assassinat (tout comme celui de deux autres hauts fonctionnaires) à des proches. Le contexte politique révolutionnaire était alors très tendu. Ainsi la JMNR (Jeunesse du Mouvement National de la Révolution) était chargée dès 1964 d'encadrer la jeunesse congolaise et de l'éduquer à une doctrine d'inspiration marxiste. La milice du parti unique, la "Défense Civile", sèmera ensuite la terreur.
La famille Pouabou est semble t-il originaire de la région de Pointe-Noire. Un de ses membres a été maire de la ville. Elle a donc attendu 45 ans avant que l'on réhabilite Joseph Pouabou. Son épouse Sophie Mavoungou, la "veuve Pouabou", est décédée en mai 2009 à Monaco à l'âge de 90 ans. Elle n'aura pas vu l'hommage rendu à son mari.
Sources : http://historiensducongo.unblog.fr/
Les Dépêches de Brazzaville n° 1055 - 19 août 2010