Après quelques recherches, j'ai réussi à percer le mystère du phare de Pointe-Noire... Celui qui a empêché Albert Londres de dormir est bien le phare qui veille toujours sur le port de la cité ponténégrine (cf Le vieux phare ) !
En effet, la construction du phare s'avère antérieure à l'aménagement du grand port. Une intéressante photographie montre la tour inachevée enchâssée dans les échafaudages. Elle est malheureusement tronquée dans sa partie inférieure, mais porte le texte suivant au verso "Phare en béton armé - Echafaudage pour construction des conso(les) et de la chambre - Pointe-Noire le 22 avri(l)...".
On remarque en bas à gauche trois ouvriers (l'un torse nu est sans conteste de race noire) et, plus visible à droite, un homme avec un chapeau. On devine un treuil, une bétonnière rudimentaire, un grand bidon et des blocs de béton posés au sol.
Phare de Pointe-Noire en construction (1925-26)
Une autre photographie ancienne montre le phare achevé, flambant neuf. Il était alors entièrement peint en blanc (il est aujourd'hui noir et blanc). Une voie ferrée étroite passe à son pied et une sorte de wagonnet est posé au premier plan, en dehors des rails. Cette voie de 60 cm de large allait du port aux ateliers de la S.C.B., dite "Les Batignolles", situés dès 1923 au futur "Km 3". Les "poussettes" sur rail permettaient de transporter bagages et voyageurs, débarqués via le premier wharf en bois ou en pinasse puis à dos d'homme lorsque que le navire restait au large.
Le phare tout neuf (1926)
La légende de la photo indique "Phare de Pointe-Noire (Congo français) construit par les établissements Ottino - 1926".
La société de Salvator Ottino était une entreprise sous-traitante de la S.C.B.. Elle a effectué la construction de nombreux ouvrages d'art sur la ligne du CFCO Pointe-Noire-Brazzaville (ponts en béton armé) et on parle ainsi souvent de "pont Ottino". Le même entrepreneur a participé à la mise en place du chemin de fer malgache. La réalisation du wharf en béton fondu de Pointe-Noire fût aussi confiée à l'entrepreneur Salvator Ottino.
Le budget général de l'AEF de 1927 nous apporte quelques précisions : " A Pointe-Noire même, les travaux exécutés sur les fonds de l'emprunt progressent d'une façon satisfaisante ; l'état sanitaire des travailleurs indigènes y est d'ailleurs resté très bon. La construction du warf définitif en béton fondu a pris un cours normal, après s'être heurtée au début à des difficultés, heureusement surmontées, tenant à la présence de bancs de roche dure près du rivage. L'ouvrage est aujourd'hui à moitié construit ; il sera terminé et mis en exploitation vers la fin de l'année 1927. [...] Tous ces travaux menés de front avec les ouvrages importants payés par le budget général (phare et feux de port, nivellement du sol, ambulance, bâtiments civils) ne tarderont pas à transformer fort heureusement la ville et le port tête de ligne du Congo-Océan."
On apprend également que dans les dépenses en personnel de la rubrique "navigation et service hydrographique", on compte "un maître de phare européen" et "un gardien de phare indigène".
Le phare veille donc sur Ponton depuis plus de 80 ans et est ainsi l'un des bâtiments les plus anciens de la ville.
Le phare vu du cap de Pointe-Noire (1930)