Toujours à l'affût d'une rencontre animalière, je remarque sous le ponton un poisson posé sur la vase. Il est près d'un trou, au milieu de petits coquillages hélicoïdaux, et fait une vingtaine de cm de long. Une raie bleue lui parcoure l'épine dorsale. Sa grosse tête est un peu effrayante.
A peine ai-je le temps de faire deux clichés que l'étrange bestiole, en un quart de seconde, se planque dans son trou ! Zut, j'ai été repéré...
Quel est donc ce singulier poisson qui se permet de vivre ainsi hors de l'eau ? C'est l'extraordinaire périophtalme, nommé ainsi à cause de ses yeux, dont la position sur le sommet de la tête et la mobilité, lui assurent une vision périscopique. On l'appelle aussi "gobie des mangroves".
A marée basse, il reste souvent sur la vase et peut respirer l'air ambiant ! Ses nageoires pectorales qui ressemblent à des pattes lui permettent de se mouvoir. Il se déplace ainsi rapidement et grâce à des nageoires pelviennes qui forment une ventouse, il peut même s'offrir des excursions dans les racines de palétuviers ou les branchages. Il rampe, il saute pour attraper ses proies, petits invertébrés ou insectes. Bref, c'est un véritable chaînon manquant entre les poissons et les amphibiens.
La double (ou triple) respiration du périophtalme
C'est grâce à cette capacité que ce poisson s'adapte aussi bien à la vie terrestre qu'à la vie aquatique.
Quand le poisson est totalement immergé dans l'eau, sa respiration est branchiale (comme la plupart des poissons). Quand le poisson est hors de l’eau, sa respiration est double : bucco-pharyngée et cutanée.
Pour la respiration bucco-pharyngée : c'est sa bouche qui emmagasine de l’eau et de l’air riche en oxygène et c’est à travers la muqueuse bucco-pharyngée que l’animal respire. A cette respiration bucco-pharyngée s’ajoute une respiration cutanée. Elle s’effectue à travers des surfaces cutanées humides, très riches en vaisseaux sanguins superficiels. Ces surfaces cutanées humides se trouvent au niveau du front et au dos de la tête, à la face externe des opercules et sur la queue.
Ainsi, le périophtalme peut rester jusqu’à 2 jours et demi hors de l’eau ! La respiration bucco-pharyngée est si efficace que le périophtalme l’utilise même quand il est dans l’eau : il vient alors avaler de l’air en surface.
Merci au Muséum des Sciences Naturelles d'Orléans pour ces informations extraites d'une fiche explicative sur la respiration. Je l'avais visité en 1993, mais je n'ai pas souvenir d'avoir vu alors de périophtalme !