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1 août 2009 6 01 /08 /août /2009 15:50

Consécutivement à l'importante érosion du rivage, une opération de déménagement des tombes anciennes a dû être mise en place. Nous avons rencontré sur place des personnes qui sont chargées de surveiller l'avancement des dégâts et de récupérer, avant qu'ils ne chutent dans l'océan, les cercueils (ou ce qu'il en reste). Les dépouilles sont ensuite de nouveau inhumées dans le cimetière, plus loin des flots irrespectueux.

Le cimetière est étrangement entretenu... au lieu de désherber, on fait brûler la végétation ! Cela donne un aspect de désolation et renforce le caractère sinistre des lieux.

 

Les tombes récentes en béton sont souvent surmontées d'une petite bâtisse ajourée. J'ai remarqué l'une d'entre-elles, agrémentée dans le fond d'une peinture murale représentant Bob Marley. C'est la dernière demeure d'Olivier, décédé en 1987 à l'âge de 25 ans, visiblement un grand fan du chanteur de reggae.
Une tombe porte le nom d'un dénommé "Bayonne". Encore une influence française sur les patronymes. Un "groupe de cases" (hameau) porte le même nom près de Diosso en 1890. L'ancêtre de la famille, un certain Mavoungou, était le cuisinier attitré d'un administrateur colonial français originaire de Bayonne. Ce dernier lui aurait promis de l'emmener un jour dans cette ville. Parlant tellement de son futur voyage à Bayonne, le cuisinier fut dénommé ainsi ! Le nom resta pour ses descendants. L'histoire ne dit pas si l'opportunité du voyage en France se présenta vraiment.

On est loin des rites ancestraux, comme sur cette carte postale (vers 1920) évoquant les "funérailles d'un chef" à Loango. Le petit enclos de bois, surmonté d'une pyramide décorée, semble recouvrir la tombe du chef.



Origine de l'érosion du littoral

Le phénomène d'érosion de la côte au nord de Pointe-Noire est observé depuis le début des années 1980, époque à laquelle il s'est accéléré. Au large de la baie de Loango, il existait encore en 1960 un important cordon littoral (lido). Cela créait entre la terre et l'océan une lagune qui protégeait ainsi le rivage des assauts des vagues. Le cordon littoral a totalement disparu à la fin des années 1980. Puis l'érosion s'est intensifiée pour atteindre 4 à 5 mètres par an dans les années 1990. On constate alors la disparition de plages entières. La houle poursuit son oeuvre destructrice en emportant le terrain très friable de la côte.
On pourrait évoquer le réchauffement climatique et l'augmentation du niveau des océans mais le phénomène est selon certaines études d'une autre origine. Le phénomène naturel de dépôt de sédiments, à l'origine du cordon littoral, a visiblement été perturbé. Il pourrait s'agir du contre-effet du creusement du port de Pointe-Noire, contrariant les courants marins. Le sable se déposerait donc dans le port et non plus dans la baie de Loango. Ces dernières années, le dragage du port a servi à remblayer les zones marécageuses de Pointe-Noire, afin d'y entreprendre des constructions. Ce sont donc au fil du temps des millions de m3 de sable et de sédiments qui échappent au littoral de Loango. Aujourd'hui, certains indiquent que le recul du rivage est par endroit de 10 mètres par an !

Le cimetière qui était à 150 m du rivage se retrouve soudain en 2002 menacé par les vagues. En 2003, le scandale éclate quand il faut sérieusement envisager de déplacer les premières tombes. Il faut dire qu'il s'agit d'un cimetière patrimonial où reposent des figures historiques du temps de la colonie française, et des personnalités congolaises comme Jean-Félix Tchicaya (membre des Forces Françaises Libres en 1943 et premier député Noir du Moyen-Congo à l'Assemblée Nationale Française en 1946) ou son fils, U'tamsi Thicaya, écrivain renommé.
En cette année 2009, j'ai pu constater l'ampleur de l'érosion, qui faute de solutions pour la contre-carrer, se poursuit inexorablement.

NB : mes sources sont notamment une approche détaillée de ce problème en 2006, disponible aux adresses suivantes : 
http://www.congopage.com/Sauvegarde-du-patrimoine-La-baie
http://www.congopage.com/L-erosion-a-Loango-un-avis-d
 

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1 août 2009 6 01 /08 /août /2009 15:30

A quelques 200 mètres de la mission catholique, une longue et belle allée de manguiers centenaires conduit au rivage. Elle menait autrefois au site du port de Loango. Disparu depuis belle lurette, il a cédé la place à un cimetière à la fin du 19ème siècle.

P cim manguiers

Allée de manguiers


La vaste nécropole plonge le visiteur dans une ambiance étrange et morbide. En effet, l'importante érosion de la côte à cet endroit, grignote peu à peu le cimetière, entraînant arbres et tombes dans l'océan !
Par exemple, la tombe d'Athanase s'apprête à sombrer dans les flots, la terre ocre étant rongée sur plusieurs mètres de haut, juste en dessous. Impressionnant !




Le calme des lieux contraste avec le côté tragique du phénomène, à la fois lugubre et romantique. Troncs et branches, morceaux de tombeaux, plots d'entourage, et parfois même bouts de linceul jonchent le rivage, au milieu des éboulements de terre.





Ceci a évidemment créé l'émoi au sein de la population congolaise et des polémiques quant à l'origine du phénomène et aux éventuelles solutions. Au lieu de reposer pour l'éternité, les défunts sont contraints de déménager…

Sans doute, cela aurait-il fait sourire Brassens, qui souhaitait dans l'une de ses chansons que son cimetière soit "plus marin" que celui de Paul Valéry, un autre sétois. Peut-être quelques vers de son célèbre poème pourrait-il consoler les congolais éplorés :

" O puissance salée ! Courons à l'onde en rejaillir vivant [...] Dans un tumulte au silence pareil, Le vent se lève ! . . . Il faut tenter de vivre ! L'air immense ouvre et referme mon livre, La vague en poudre ose jaillir des rocs ! Envolez-vous, pages tout éblouies ! Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies...".

Le cimetière de Loango est vraiment devenu "trop marin" !

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