En milieu d'après-midi, je prends la direction de la plage de la Côte Sauvage. Le temps est gris et la mer agitée. Je remarque qu'il ne reste presque plus rien de la partie maritime du Wharf. Seul un tronçon du couloir reste debout ! Les piliers d'acier disparaissent à leur tour peu à peu dans l'océan.
Je croise Gildas qui engage rapidement la conversation. Il me dit venir de Centrafrique et s'être fait voler son téléphone et son argent dans le train. Il est donc fort démuni et a dormi sur la plage. Il garde son écharpe autour du cou, ce qui peut surprendre car les températures sont loin d'être hivernales (en tout cas pour un européen). Nous déambulons et discutons de choses et d'autres. Mon interlocuteur est un peu allumé. Il veut être Président de la République et posséder un hélicoptère. Je lui dis qu'il arrive trop tard au Congo, car les élections viennent juste d'avoir lieu ! Il va falloir patienter 7 ans... Il me répond qu'il est prêt à fabriquer un hélicoptère de ses propres mains.
Puis nous nous arrêtons près de deux plagistes françaises. Gildas pose son écharpe en guise de serviette, sans doute attirée par une étude sénologique de l'une des jeunes femmes... Il essaie de les draguer mais s'y prend très maladroitement... D'autant plus qu'elles viennent juste de débarquer et ne sont pas accoutumées à l'ambiance locale ! L'une d'entre-elles est par exemple choquée par le fait que Gildas jette un papier sur la plage. La remontrance ne semble guère le toucher. Je souris devant ce choc des cultures. Si les jeunes femmes s'attendent au comportement "standard" d'un homme européen, c'est raté. Il faut atterrir : vous êtes en Afrique ! Gildas n'aime pas le sable, "ça pique". Ma voisine est agacée "Bah oui, le sable ça pique !". Je lui suggère qu'elle devrait faire preuve de plus d'ouverture d'esprit... Gildas vient de l'intérieur du continent et côtoie visiblement le littoral pour la première fois.
Constatant qu'il n'a guère de succès auprès de la gente féminine présente à ses côtés, Gildas commence à prier sur son écharpe, devenant ainsi tapis de prière. Quand on lui demande s'il est musulman, il répond qu'il est musulman et catholique. Voilà une bonne façon de mettre tous les cieux de son côté... Il allume ensuite une cigarette "artisanale" (peut-être un joint) et commence une étrange parodie de karaté face à l'océan. Cela fait rire nos deux plagistes.
Je salue mes compatriotes en leur souhaitant une "bonne acclimatation". Gildas me suit. Il me raconte je ne sais plus quelle histoire à dormir debout où il aurait vu des "diamants rouges" briller dans la nuit. Il dit en avoir plein la tête du bruit des vagues. Je lui conseille de s'éloigner du rivage pour dormir... Vu les errances mentales de mon compagnon d'occasion, je ne le contrarie pas. Quelle est son histoire personnelle ? A t-il subi un quelconque traumatisme ou est-il simplement farfelu ? Mystère...
Il me dit avoir mangé hier grâce à la gentillesse d'un prêtre qui l'a invité à partager son repas. Gildas salue d'ailleurs avec respect, en retirant sa casquette, une soeur présente sur la plage. Je lui donne 2000 FCFA pour s'acheter à manger. Il achète peu après 3 brochettes de crevettes roses à un vendeur ambulant.