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16 novembre 2008 7 16 /11 /novembre /2008 22:30

Après la balade au musée de Diosso, je laisse Patrice à proximité de chez lui et passe à l'hôtel. Un mariage a lieu à la paillotte de l'hôtel. D'après les échos des serveurs, un libanais épouse une ivoirienne, type de mariage mixte plutôt rare parait-il (les propriétaires de l'hôtel sont d'origine libanaise).
Je dîne au Derrick. Lors du repas, j'ai ma première piqûre de moustique ! J'en avais déjà écrasé quelques uns, mais avais jusque là échappé à leur voracité. Le répulsif est visiblement efficace (il pue...) mais à la longue on l'oublie, ou bien une zone échappe à l'application du produit.
 

PN-resto-derrick


Je vais ensuite au Centre Culturel Français où a lieu une soirée musicale, à laquelle m'a invité Olivier (l'un de mes "élèves" français). J'assiste au concert de Kaly Djatou, groupe sympathique de 3 musiciens-chanteurs. Mais pas facile de s'intégrer quand on ne connait personne... Le public est majoritairement congolais.

A la fin du concert, je retrouve Olivier et discute avec quelques autres personnes : une expatriée d'origine polonaise qui me fait part de son vécu lors de son arrivée au Congo (elle avait peur de sortir de sa voiture au Grand Marché de Pointe-Noire... on peut le comprendre), une membre d'une association de protection de tortues marines (je lui fais part de ma découverte d'une tortue morte échouée sur la plage) et un employé de Total, avec lequel j'ai quelques désaccords quant à l'image de cette entreprise (notamment pour la gestion du naufrage de l'Erika).
Olivier me présente près du bar l'un des musiciens, qui me sert la main en blaguant "Bonjour, mundele, moi Ndombe". Je m'excuse alors de ne pas avoir le décodeur... Olivier m'explique qu'il s'agit simplement de "Blanc" et "Noir" !
L'animation se poursuit au CCF par une soirée "nuit blanche", la salle se transforme en "boite de nuit " animée par un DJ. Fatigué, je rentre à l'hôtel vers minuit et demie. La soirée de mariage qui devait s'achever officiellement vers 23 heures durera jusqu'à 3 heures du mat'. Difficile de dormir...

Le dimanche matin, je me lève assez tard et prend mon petit-déjeuner vers 10h30. Il est temps que je me pointe, on commence à remballer le buffet... Je farniente, je lis le guide du musée Mâ Loango et prends quelques photos du jardin. Il fait beau et je déjeune vers 14h sous la paillotte. Le service est lent, mais bon, je ne suis pas pressé !

 En milieu d'après-midi, je pars de l'hôtel à pied, dans l'intention de prendre quelques photos de la ville. Je traverse les voies ferrées en direction de la place de la gare. C'est assez désert, loin de l'agitation régnant en semaine. Je prends innocemment une photo du Commissariat de Police (ancienne poste coloniale, repérée la veille au musée) et ensuite poursuis devant la gare, sans doute le batiment le plus intéressant de Pointe-Noire.

Mais après avoir testé différents angles de vue pour photographier la gare, à proximité du commissariat, un homme en treillis militaire m'interpelle : "Vous avez pris des photos ?". L'appareil autour du cou, je peux difficilement nier les faits... Je réponds donc par l'affirmative.

Une voiture arrive en trombe et s'arrête devant le commissariat. Le policier m'intime l'ordre "Restez là !". Comprenant le caractère délicat de la situation, dès qu'il a le dos tourné, j'efface de mon numérique la photo du commissariat. Une discussion s'engage entre le conducteur du véhicule, un passager et le policier (ils ne parlent pas en français, je ne sais pas de quoi il retourne). Je commence à cogiter... N'ayant pas envie de perdre 3 heures dans les locaux de la police, je décide de prendre la poudre d'escampette. Bien entendu, il ne faut pas courir car je serai immédiatement repéré. Je calcule que seulement une centaine de mètres me sépare des voies ferrées, où je serai masqué par le mur qui les longe. Je pars donc d'un pas normal, mais fermement décidé, vers ce but, situé dans l'axe du commissariat. Je ne me retourne surtout pas. Arrivé de l'autre côté des voies ferrées, je pousse un "ouf" de soulagement... Le policier ne m'a pas vu partir et je ne suis pas poursuivi. Il n'a sans doute pas imaginé que je prendrai la fuite, de plus dans cette direction !

 

La gare CFCO (inspirée de la gare de Deauville)

J'étais évidemment très facilement repérable comme "blanc" sur cette place de la gare. J'apprendrai le lendemain en racontant ma mésaventure, qu'il est interdit de prendre en photo les batiments publics ! Personne ne m'en avait informé. Sans doute une consigne toujours en vigueur à la suite de la guerre civile.

Si la facade de la gare (datant des années 1930) est séduisante, l'environnement l'est beaucoup moins. Les voies ferrées sont jonchées de détritus et servent de lieu d'aisance... On voit souvent quelques moutons noirs et blancs qui broutent le long des voies.

 

Les voies à l'arrière de la gare

Pour me remettre de mes émotions, je vais faire un tour sur la plage, animée en ce dimanche après-midi. Je croise trois uluberlus déguisés, dont l'un en spiderman, un peu déjanté. Ils partent faire une animation sur la plage.
Je constate rapidement que je suis quasiment le seul européen parmi des centaines de Noirs. L'ambiance est familiale et sympathique. Beaucoup de congolais se promènent, sans forcément se baigner.

Soudain, 4 jeunes accompagnés d'un photographe de plage, me demandent gentiment s'ils peuvent faire une photo avec moi ! Je n'y vois pas d'inconvénient. Me voilà donc dans la boite, assis à côté d'une jeune fille hilare.

La même scène se déroulera quelques centaines de mètres plus loin, avec une famille. Je fais un cliché avec toute la famille (une petite fille a de jolis perles colorées dans ses tresses) et un autre cliché avec seulement une jeune femme, qui me demande de lui tenir la main... Sans doute veut-elle faire une blague et faire croire qu'elle a un copain "blanc" !? J'ai vraiment l'impression d'être une "bête rare", mais cela se fait dans la bonne humeur.
 

Plage dominicale sous le soleil

En fin de promenade, je rencontre Serge qui me propose de me montrer ses "antiquités". Il me présente plusieurs statuettes et je tombe alors sous le charme du "Penseur Vili".

Je vais chercher l'argent à l'hôtel et lui paye les deux tiers du montant négocié (comme il est de coutume...). Le lendemain, il m'apportera l'autorisation de sortie d'objets d'art (visa administratif coutant 2500 FCFA) et je lui donnerai le reste de la somme. Serge me dit être venu en train et avoir récolté ses objets à la campagne.

Le dimanche soir, je suis invité par Olivier à dîner "Chez Manu". Craignant de me perdre dans un quartier que je ne connais pas (il fait nuit...), je lui demande des indications précises. Après être passé devant la Base Industrielle, je file tout droit. La route goudronnée s'arrête soudain et je me "mange" un gros trou, impossible à voir. Dixit Olivier, certains y ont laissé leur radiateur ! Je poursuis ma route, pas mal secoué par les creux et les bosses, et me trouve au point de rendez-vous fixé, au bout d'un petit pont (il est à sens unique et les gardes-corps sont défoncés). J'appelle Olivier qui vient alors à ma rencontre. Je suis son véhicule dans les petits chemins qui zigzaguent entre les maisons précaires du quartier pauvre de Songolo. Nous arrivons devant le "resto" de Manu. Il s'agit d'une modeste baraque faite de planches et de tôles, éclairée par quelques ampoules. Jouxtant la petite salle, sa femme tient un bar-épicerie.

Je retrouve plusieurs convives, dont les 3 musiciens congolais du concert du CCF. Nous commandons une bière et les musiciens commencent à jouer. Il y a 2 guitaristes et un percussionniste. Ils jouent et chantent des morceaux traditionnels, style rumba congolaise, des standards latino-américains et des morceaux de leur composition. Le style est plutôt mélancolique. Le percussionniste agrémente sa prestation de sons tirés d'une sorte d'entonnoir, qu'il appelle avec humour "plastiscophone".

Nous passons commande pour la nourriture. J'opte pour un poulet grillé accompagné de manioc (j'ai l'impression d'une pomme de terre gluante). Je constate que certains des convives dégustent une sorte de rat musqué, dont la queue déborde du plat. J'évite de goûter à ce mets, épargnant ainsi mes intestins, et limitant les risques sanitaires (la "viande de brousse" est fortement déconseillée). Je discute avec Antoine, l'un des deux guitaristes. Il me raconte être venu en France, notamment en Haute-Savoie, et dans d'autres pays d'Europe, lors de tournées musicales. Nous évoquons Césaria Evora dont le style musical mélancolique (la morna) est proche de celui de Kaly Djatou. Nous parlons aussi un peu politique et nous tombons d'accord sur le fait qu'en Afrique les "vieux crocodiles" ont du mal à lâcher le pouvoir ! L'influence de la politique se fait d'ailleurs sentir dans la musique congolaise : les régimes marxistes-léninistes en vogue en Afrique dans les années 60-80 ont favorisé les liens avec Cuba et ses rythmes musicaux.

La musique reprend après le repas. Les bières aidant, l'ambiance est bonne... Kaly Djatou fait son show notamment avec la chanson "Ancien Combattant" de Zao (chanteur congolais originaire de Brazzaville). C'est un hommage aux anciens combattants des colonies et une dénonciation de l'absurdité de la guerre. Encore malheureusement trop souvent d'actualité en Afrique... Ce chanteur s'est réfugié 9 mois dans la forêt lors de la guerre civile et son décès avait même été annoncé à la radio congolaise.

Tu ne sais pas que moi je suis ancien combattant
Moi je suis ancien combattant,
J'ai fait la guerre mondiaux
Dans la guerre mondiaux,
Il n'y a pas de camarade oui
Dans la guerre mondiaux,
Il n'y a pas de pitié mon ami [...]

La guerre mondiaux
Ce n'est pas beau, ce n'est pas beau
La guerre mondiaux
Ce n'est pas beau, ce n'est pas beau
Quand viendra la guerre mondiaux
Tout le monde cadavéré
Quand viendra la guerre mondiaux
Tout le monde cadavéré
Quand la balle siffle, il n'y a pas de choisir
Si tu ne fais pas vite changui, mon chéri, ho!
Cadavéré

 

La soirée s'achève dans la bonne humeur vers 22h30. Eh, oui demain c'est lundi. Il faut bosser... Je rentre à l'hôtel sans encombre et j' évite cette fois-ci le gros trou à la limite entre le chemin et la route goudronnée.

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15 novembre 2008 6 15 /11 /novembre /2008 23:01

Dans la lignée des masques, les statues jouaient un rôle important dans les cultes et les croyances animistes. Les populations d'Afrique Centrale et Equatoriale croyaient en un Dieu unique et également en des forces vitales répandues dans les êtres et les choses. Dieu se présente aux hommes sous la forme d'esprits multiples.


St_jumeaux.jpg
Statuette évoquant la gémellité (musée de Diosso)

 

La mère au centre est entourée de ses 2 enfants. Cette statue en bois est ornée de grelots.

La femme ayant accouché de jumeaux jouissait d'une certaine considération et de respect au sein de la société. En Vili, un terme permet clairement de la nommer ("Nguli basa").


Les statues magiques de la société Vili, en bois, sont constellées de clous plantés, les yeux sont souvent faits de miroirs. Parfois des logettes renferment les médecines censées guérir les maladies ou résoudre les conflits. Ces statues ont un air menaçant, le bras levé, armé d'une lance.
D'autres statuettes en pierre servaient de figures tombales.



St_case_homme.jpg

Poteau de case, origine Ndoungou, enseigne de fécondité (musée de Diosso)

 

Une remarquable sculpture en bois présente deux personnages. Les corps sont de couleur ocre. Les visages des personnages sont encore peints en blanc.

L'homme est situé en haut du poteau. Il tient dans sa main son phallus, de taille imposante. Mes interlocuteurs congolais, rigolards, ont insisté pour que je prenne cette statue en photo... Selon leur expression, "C'est un beau bakala" !
Le guérisseur oeuvrait bien sûr pour traiter les problèmes d'impuissance.


St_case_femme.jpg
Poteau de case, origine Ndoungou, enseigne de fécondité (musée de Diosso)



En dessous, la femme est également nue et présente sa poitrine pendante et un ventre arrondi. Le féticheur agissait alors pour traiter les problèmes de fécondité.

Cette insolite et impressionnante sculpture (plus de 2 m de haut) constituait une sorte d'enseigne "publicitaire", poteau situé au centre de la case d'un guérisseur.

 

J'en ai trouvé par hasard, quatre ans plus tard, un cliché ! L'homme portait alors un collier.

congo poteau-fetiche-ndoungou

Poteau Ndoungou en place dans la case du guérisseur (origine inconnue)

 

Le thème de la fécondité et de la maternité est un thème majeur dans la sculpture traditionnelle d'Afrique Centrale. On le retrouve représenté dans nombre de statues, de taille et d'expression diverses.



 

Fécondité Luba
(13 cm de haut)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les mains posées sur ses seins, le ventre arrondi, cette statuette est agenouillée dans la position traditionnelle de l'accouchement. Cette "ancêtre" évoque la fécondité.

Au Congo, la tradition matriarcale donnait plus d'importance au clan de la femme qu'à celui du mari. La femme est la "fondatrice de lignées".




Penseur vili

(22 cm de haut)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Assis en tailleur, le menton reposant sur ses mains, cet homme dégage une impression de sérénité.
Cette statue était un symbole de sagesse.
Les traits du visage sont très soignés.

 


Tel Lamartine, je suis contraint de m'interroger : " Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?".
On est fortement tenté de répondre par l'affirmative devant l'aura exercée par ces statuettes simples, mystérieuses et belles à la fois.

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