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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 10:30

La villa ou la "case" Romano a été construite en 1957 par Michel Romano. C'est l'un des pionniers français de la mise en valeur de la région de Dolisie, que j'ai déjà évoqué à plusieurs reprises.

 

Romano-case-Dolisie-1960

La "case Romano" à Dolisie (vers 1960 © Yves Romano)

 

Je présume que c'est cette même bâtisse que j'ai vu en 2013 (cf Dolisie : la villa Romano ), bien que la construction soit fortement modifiée. Le volume global correspond à celui de la maison visible sur la photo ci-dessus, mais les toitures et façades ne sont plus les mêmes. On reconnaît au premier plan, le muret de soutènement du "jardin" dévalant la petite colline.

 Une rue d'un autre quartier de Dolisie porte aujourd'hui son nom.

 

Romano-michel-Dolisie-congo

Michel Romano (tout à gauche) à Dolisie (vers 1940 ? © Yves Romano)

 

Je ne sais pas ce qui motiva le français à partir pour la colonie du Moyen-Congo. Ancien combattant de la Première Guerre Mondiale (il fut blessé dans les combats de l'Artois en 1915), il habitait à Palaiseau (Essonne) au sud-ouest de Paris. Il travailla après guerre à la remise en état du chemin de fer Verdun-Montmédy. Spécialisé dans le béton armé, il est recruté par les Batignolles et est volontaire pour partir en AEF.

Le pionnier découvrit le rude climat du Mayombe et sa faune, alors abondante. Il apprivoisa ainsi un jeune chimpanzé "bleu", qui fut prénommé Joseph ! Plus sérieusement, Michel Romano travailla sur le chantier du chemin de fer Congo-Océan, principalement sur la section côtière, tout d'abord au Km 93, à compter de mai 1927.

 

romano-michel-mayombe-chimpanzé

Michel Romano avec un chimpanzé du Mayombe vers 1927 (© Romanot)

 

Ensuite, ce furent les campements du Km 102 et du Km112, aux côtés des ouvriers Saras, où il resta deux ans (cf Mayombe : Mboulou, Les Saras et le Congo-Océan ;  Les Saras : origine et recrutement). Il prit la Direction de la Mission d'Etudes du Congo-Océan en 1929.

C'était un soutien et un admirateur de la volonté de fer du Gourverneur Antonetti. Il appréciait que l'homme se rende sur le terrain pour voir "grandeur nature" l'avancée des travaux du "Brazzaville-Océan" (première dénomination de la voie ferrée). Même si cela ne lui a pas toujours porté chance (cf Pause historique auprès du baobab... celle d'Antonetti).

Romano a relevé sur sa section uniquement la mort de deux de ses ouvriers, par accident, ce qui semble bien peu. Il fait part de la mort d'une trentaine d'Européens pendant toute la durée de la construction du CFCO.

 

romano-saras-cfco-mayombe

Michel Romano et des ouvriers Saras du chemin de fer vers 1929 (© Romanot)

 

Romano s'installa en 1929 à M'Vouti et prit part aux travaux du tunnel du Mont Bamba, pour lequel à la demande d'Antonetti, il proposa un nouveau tracé. Ce qui lui valut des inimitiés.

Romano s'attela également à démontrer la présence de gisements de métaux intéressants à exploiter au Congo, notamment de l'or dans le Mayombe. Il fut presque pris pour un fou et eut mille peines à faire valoir ses découvertes. L'exploitation à grande échelle ne vit le jour qu'une vingtaine d'années après ses premières trouvailles en 1927 (au Km 93).

Il obtient un permis d'exploitation minière en juillet 1934. Embrouilles administratives, malchance, dettes, concurrence malveillante, Romano eut bien du mal à tirer des bénéfices dans les premières années de cette aventure.

 

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Michel Romano (?) avec un trophée de chasse (© Romanot)

 

Le chemin de fer achevé, Michel Romano avait prévu le fort développement de la ville de Dolisie autour de la gare ferroviaire. Beaucoup de ses contemporains étaient sceptiques. Mais les décennies suivantes lui donnèrent raison, Dolisie poussa comme un champignon (cf Dolisie : la gare et la fondation de la ville).

Lui-même construisit sa "case" dans le quartier de la gare. Michel Romano fit venir son épouse au Congo en septembre 1931. La vie quotidienne fut bien souvent difficile, avant l'installation à Dolisie en 1934, et après dans les années de galère du chercheur d'or.


Le 23 juin 1940, Michel Romano signa avec 34 autres Européens une déclaration qui considérait l'armistice signé par Pétain comme nul. Elle fut envoyée au Gouverneur Général Boisson. C'était seulement 5 jours après l'appel de Londres du général de Gaulle. Il participa aux opérations pour rallier le Gabon à la "France Libre".

 

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Vue aérienne de la gare CFCO de Dolisie vers 1955 (carte postale)

 

Michel Romano a quitté le Congo en 1965, sans avoir fait fortune, après 40 ans passés en Afrique. Il s'installa avec sa femme Yvonne à Villeneuve-sur-Lot. Le couple de septuagénaires eut bien du mal à se réhabituer à la vie en France, regrettant le temps des "bons nègres" qui étaient leurs amis, plus que beaucoup d'Européens du Congo, qui par jalousie avaient cherché à leur nuire...

 

Ces informations sont bien sûr en majorité issues du livre "L'aventure de l'Or et du Congo-Océan" que Michel Romano publia en 1950 sous le pseudonyme "R.O. Manot". Et aussi de quelques informations fournies par son petit-fils, Yves Romano, qui prépare un nouvel ouvrage à paraître sur l'épopée de son grand-père au Congo.

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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 10:15

Devant la façade en béton ajouré, une euphorbe cactiforme a poussé. Maltraitée, elle a perdu une bonne partie de ses branches.

 

 

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Façade de la "villa Romano" (© FabMoustic)

 

Des murets en escalier retiennent la terre. Le site, un peu défraichi, est plutôt bien entretenu.

 Je discute avec Célestin. C'est un couturier à la retraite, qui a connu Michel Romano. Nous sommes vraiment tombés sur la bonne personne !

 

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En discussion avec Célestin (© Truuuc)

 

L'homme, pionnier du CFCO et chercheur d'or, était respecté par les Congolais. Par contre, il me raconte que son fils était un "bandit", selon ses propres mots. Il aurait fait les 400 coups à Dolisie...

Il se demande quel âge aurait Romano. Je lui réponds dans les 120 ans ! C'était je crois un ancien combattant de 1914-1918. Célestin est étonné que je sache autant de choses sur Romano... Je lui explique que j'ai lu son livre de souvenirs.

Célestin me dit que Romano a quitté le Congo avant 1970 et est mort en France.

 

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Arbre en fleurs (© FabMoustic)

 

Nous poursuivons notre visite. Quelques flamboyants éclaboussent de leur floraison rouge vif la verdure alentour. Un autre arbre présente de belles fleurs roses. Je ne connais pas son nom.

 

En contrebas des murets, on retrouve le restaurant. Le toit de la paillote est bien fatigué et a été rafistolé avec des bâches.

 

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Vue sur l'arrière du restaurant (© Truuuc)    

 

Nous descendons et près de la grande cheminée du barbecue, on trouve un large panneau "Espace culturel Pascal Lissouba ; Restaurant - Bar - Musée".

Le lieu porte donc le nom de l'ancien Président Congolais. On a rajouté à la peinture blanche le "e" de musée qui avait été oublié...

 

dolisie-villa-musée-projet

Espace culturel en devenir... (© FabMoustic)

 

Je demande à Célestin si on peut visiter le musée. Hélas, il m'explique qu'il est resté à l'état de projet...

Il me raconte que des descendants d'Albert Dolisie était venus en 2010 pour le cinquantenaire de l'Indépendance du Congo, et qu'ils projetaient de faire un musée dans cette villa, avec l'appui des autorités congolaises.

Effectivement, Christiane Hanauer-Dolisie (petite-fille de l'explorateur) et son fils Bertrand sont venus en août 2010 à Brazzaville et à Dolisie. Mais pour l'instant, trois ans plus tard, rien de vraiment concret n'a pu voir le jour.

 

dolisie-villa-romano-restau

Paillote du restaurant (© FabMoustic)

 

Notre visite est terminée et nous redescendons vers le parking. Célestin nous demande si nous avons un petit quelque chose pour lui...

Comme il est gourmand, je lui donne quelques bonbons et Aurélien des stylos. Il ne veut pas être ramené en voiture. Nous le laissons donc au pied de la colline.

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