Au delà des autorités locales, M. Bel nous donne un petit aperçu de la vie à Loudima en 1906. La place principale accueille ainsi un marché où les indigènes assis sur le sol doivent proposer leurs produits ou leur service.
Le marché de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)
Une petite case permet d'abriter un troupeau d'une vingtaine de moutons et porte donc le titre de "bergerie". Elle paraît bien fragile et pourrait s'envoler à la première tornade...
La bergerie de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)
On élève aussi des boeufs. Ceux-ci semblent bien jeunes, si on en juge par leur taille, comparativement à la femme au chapeau située près de la case.
Le troupeau de boeufs de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)
Par contre, le taureau nommé "Patapouf" possède de belles cornes et est nettement plus impressionnant !
L'un des rapporteurs de la mission, le capitaine J. Mornet, Topographe du Génie, fait le constat suivant : "Dans cette région, nulle industrie, nul commerce ; un peu de caoutchouc seulement, récolté çà et là. Dans les grandes plaines du Niari et de la Loudima l'élevage serait facile. Quelques rares moutons, cabris et poulets errent seulement autour des villages, jamais soignés."
"Patapouf" le taureau du troupeau de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)
Quelques clichés montrent la population locale de la Bouenza. Notamment, lors de l'appel des porteurs Bacougni par M. Bel à Loudima.
M. Bel fait l'appel de ses porteurs (© BNF - Mission Bel - 1906)
Liste à la main, M. Bel fait visiblement appel à un traducteur, l'homme costaud situé au premier plan, les bras ouverts. Les porteurs portent un simple pagne, mais on distingue deux hommes Noirs habillés, l'un à l'européenne, l'autre d'une longue tunique et d'un haut couvre-chef.
Le capitaine Mornet relève ainsi : "Les indigènes ne vont pas tout à fait nus, mais peu s'en faut ; un lambeau d'étoffe autour des reins constitue ici encore tout leur vêtement".
Chef N'Goma du village de Soungou (© BNF - Mission Bel - 1906)
La mission Bel reprend la route des caravanes en direction de la côte. Elle poursuit sa traversée de la région de la Bouenza et effectue des rencontres. Ainsi, un émouvant cliché montre le chef N'Goma, du village de Soungou (à une douzaine de kilomètres de Loudima Poste). Il présente d'impressionnants "tatouages" sur l'abdomen (résultat de scarifications).
Porteurs Bacougni à Sangha (© BNF - Mission Bel - 1906)
Avant la traversée de la Louvakou (juste après Moubotsi), il photographie ses porteurs Bacougni à Sangha (?). Certains semblent n'être encore que des adolescents.
Le capitaine Mornet rédigera une synthèse de ses observations ethnographiques "Note sur les populations du Congo entre Brazzaville et la mer", sans être spécialiste en la matière.
Il décrit les populations croisées, le peu de temps qu'il a pu observer leurs moeurs :
"Sur le versant oriental du Mayombe, les Bassoundi se rapprochent des Mayombe, les villages sont vastes et bien peuplés, les cultures prospères. Les indigènes consentent à sortir de leur village. Beaucoup ont été jusqu'à la mer. Ils ont un culte spécial pour les morts. Les tombes sont apparentes et dispersées le long des chemins ; elles sont ornées de faïences grossières, achetées chez les Portugais dont la frontière est tout proche. Celles des chefs sont presque luxueuses : ce sont de véritables cases, que l'on tend à l'intérieur d'étoffes et que l'on remplit d'ornements variés."
Il dresse par contre un portrait très peu flatteur des populations de l'autre côté de Loudima :
"A l'est de la rivière Loudima, au contraire, et jusqu'à Brazzaville, les populations sont les plus inférieures qu'il soit possible de voir en Afrique. Elles vivent dans de misérables villages, dont la plupart des cases tombent en ruine ; elles font des cultures tout juste suffisantes pour leur permettre de ne pas mourir de faim. Indifférentes, d'une apathie incoercible, il n'y a à peu près rien à en tirer ; ce n'est qu'avec les plus grandes peines qu'on arrive à obtenir d'elles quelques vivres ou des porteurs. D'ailleurs, elles se dérobent le plus possible au contact de l'Européen."
Mais il tempère son propos en rapportant des éléments d'explication importants, quant à l'état de la population et à son comportement vis à vis des Européens :
"Cela est dû d'ailleurs en très grande partie à l'impôt et surtout aux excès de portage qu'on leur a demandés ; car ces populations ont fourni un nombre considérable de porteurs, au temps du gouvernement de Brazza, avant la construction du chemin de fer belge ; elles ont laissé sur la route des caravanes un grand nombre d'entre eux, et c'est ce qui fait déserter par les indigènes cette route autrefois si peuplée, qu'on pouvait y recruter chaque mois des milliers de porteurs."