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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 14:15

Sur la place centrale de Loudima, nous croisons un homme qui "garde" une antenne de télécommunication. Pour plaisanter, je lui demande où est son fusil ! Le père Joseph sourit... L'homme me répond qu'il est à la maison.


Le père Joseph nous montre l'emplacement de l'ancienne "prison internationale" de Loudima. Il n'y a plus que des tas de briques dissimulés sous la végétation... Cette prison fut instituée avec la fondation du Poste en ces lieux après 1905, et construite à la même époque que les autres bâtiments officiels (cf Loudima : découverte du centre "historique" ). Dans les années 1920-1930, la maison d'arrêt accueillit des ressortissants de l'AEF (Oubangui-Chari, Cameroun...), coupables de petits délits. D'où le titre pompeux de prison "internationale". 

Nous passons à côté d'un transformateur. Il est en piteux état et très mal protégé. Un véritable danger pour les enfants qui tenteraient de jouer avec cet engin de mort.


Nous poursuivons notre balade au milieu des rues bordées de petites maisons en brique. Le village est très propre, les parcelles souvent entourées d'une haie. Loudima présente un plan régulier, fait de rues parallèles et formant des îlots rectangulaires.

 

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Vue satellite de Loudima Poste, surplombant le Niari (© Google Earth)

 

Notre visite ne passe pas inaperçue et les enfants nous font des signes de loin, mais parfois se cachent à notre arrivée.

 

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Maisons en brique de Loudima

 

D'autres plus courageux se prêtent à l'exercice de la photo, tout en jetant un regard inquiet par dessus l'épaule du grand-frère ou du voisin. Les habits sont sales et déchirés, mais peu importe, le sourire et l'enthousiasme sont là !   

 

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Enfants du village de Loudima

 

Le père Joseph salue çà et là ses ouailles qui vaquent à leurs occupations. Il semble connaître tout le monde. La balade est fort agréable sous un soleil radieux.

 

Au seuil d'une habitation, un homme m'interpelle : "Viens voir l'alambic !". Nous entrons donc dans la cour et sous un appentis recouvert de tôles, je découvre l'installation.

 

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Alambic artisanal de Loudima

 

Perché sur des briques, on trouve un demi-bidon traversé par un tuyau, qui fait office de réfrigérant. Le foyer fume encore, mais le chaudron qui devait contenir le liquide fermenté n'est plus là. A la sortie du réfrigérant, rempli d'eau verdâtre, on recueille l'alcool. On chauffe au bois cet alambic rudimentaire.

Je demande à notre distillateur, de quel végétal il tire son alcool. Il m'explique qu'il fait fermenter un mélange de manioc et de maïs. Je n'ai pas demandé à goûter à son alcool... J'avais peur de tomber sur un tord-boyaux ! Et avec la chaleur, on serait vite hors-service.

 

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Enfants autour de l'alambic

 

Une quinzaine d'enfants sortis des maisons alentour ont pris d'assaut le lieu ! On est obligé de leur demander de se pousser pour que je puisse prendre en photo l'alambic.

Après, c'est au tour des enfants. Les garçons ne peuvent s'empêcher de faire des signes avec leurs bras. Etrange habitude déjà rencontrée ailleurs. Les enfants semblent en bonne santé, pas de signes de malnutrition contrairement à ceux vus à Bihoua (cf  Lékoumou : rencontre de "Pygmées" près de Bihoua).

 

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Manioc séchant sur des claies

 

A l'arrière de la maison, je remarque du manioc qui sèche au soleil sur des claies. Après le rouissage des rhizomes dans de grands bidons bleus, l'écorce est enlevée et les racines mises à sécher.

 

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 14:05

Au delà des autorités locales, M. Bel nous donne un petit aperçu de la vie à Loudima en 1906. La place principale accueille ainsi un marché où les indigènes assis sur le sol doivent proposer leurs produits ou leur service. 

 

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Le marché de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

Une petite case permet d'abriter un troupeau d'une vingtaine de moutons et porte donc le titre de "bergerie". Elle paraît bien fragile et pourrait s'envoler à la première tornade...

 

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La bergerie de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

On élève aussi des boeufs. Ceux-ci semblent bien jeunes, si on en juge par leur taille, comparativement à la femme au chapeau située près de la case.

 

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Le troupeau de boeufs de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

Par contre, le taureau nommé "Patapouf" possède de belles cornes et est nettement plus impressionnant !


L'un des rapporteurs de la mission, le capitaine J. Mornet, Topographe du Génie, fait le constat suivant : "Dans cette région, nulle industrie, nul commerce ; un peu de caoutchouc seulement, récolté çà et là. Dans les grandes plaines du Niari et de la Loudima l'élevage serait facile. Quelques rares moutons, cabris et poulets errent seulement autour des villages, jamais soignés."

 

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"Patapouf" le taureau du troupeau de Loudima (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

Quelques clichés montrent la population locale de la Bouenza. Notamment, lors de l'appel des porteurs Bacougni par M. Bel à Loudima.

 

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M. Bel fait l'appel de ses porteurs (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

Liste à la main, M. Bel fait visiblement appel à un traducteur, l'homme costaud situé au premier plan, les bras ouverts. Les porteurs portent un simple pagne, mais on distingue deux hommes Noirs habillés, l'un à l'européenne, l'autre d'une longue tunique et d'un haut couvre-chef.

Le capitaine Mornet relève ainsi : "Les indigènes ne vont pas tout à fait nus, mais peu s'en faut ; un lambeau d'étoffe autour des reins constitue ici encore tout leur vêtement".

 

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Chef N'Goma du village de Soungou (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

La mission Bel reprend la route des caravanes en direction de la côte. Elle poursuit sa traversée de la région de la Bouenza et effectue des rencontres. Ainsi, un émouvant cliché montre le chef N'Goma, du village de Soungou (à une douzaine de kilomètres de Loudima Poste). Il présente d'impressionnants "tatouages" sur l'abdomen (résultat de scarifications).


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Porteurs Bacougni à Sangha (© BNF - Mission Bel - 1906)

 

Avant la traversée de la Louvakou (juste après Moubotsi), il photographie ses porteurs Bacougni à Sangha (?). Certains semblent n'être encore que des adolescents.

 

Le capitaine Mornet rédigera une synthèse de ses observations ethnographiques "Note sur les populations du Congo entre Brazzaville et la mer", sans être spécialiste en la matière.

Il décrit les populations croisées, le peu de temps qu'il a pu observer leurs moeurs : 

 "Sur le versant oriental du Mayombe, les Bassoundi se rapprochent des Mayombe, les villages sont vastes et bien peuplés, les cultures prospères. Les indigènes consentent à sortir de leur village. Beaucoup ont été jusqu'à la mer. Ils ont un culte spécial pour les morts. Les tombes sont apparentes et dispersées le long des chemins ; elles sont ornées de faïences grossières, achetées chez les Portugais dont la frontière est tout proche. Celles des chefs sont presque luxueuses : ce sont de véritables cases, que l'on tend à l'intérieur d'étoffes et que l'on remplit d'ornements variés."


Il dresse par contre un portrait très peu flatteur des populations de l'autre côté de Loudima : 

"A l'est de la rivière Loudima, au contraire, et jusqu'à Brazzaville, les populations sont les plus inférieures qu'il soit possible de voir en Afrique. Elles vivent dans de misérables villages, dont la plupart des cases tombent en ruine ; elles font des cultures tout juste suffisantes pour leur permettre de ne pas mourir de faim. Indifférentes, d'une apathie incoercible, il n'y a à peu près rien à en tirer ; ce n'est qu'avec les plus grandes peines qu'on arrive à obtenir d'elles quelques vivres ou des porteurs. D'ailleurs, elles se dérobent le plus possible au contact de l'Européen."


Mais il tempère son propos en rapportant des éléments d'explication importants, quant à l'état de la population et à son comportement vis à vis des Européens :  

"Cela est dû d'ailleurs en très grande partie à l'impôt et surtout aux excès de portage qu'on leur a demandés ; car ces populations ont fourni un nombre considérable de porteurs, au temps du gouvernement de Brazza, avant la construction du chemin de fer belge ; elles ont laissé sur la route des caravanes un grand nombre d'entre eux, et c'est ce qui fait déserter par les indigènes cette route autrefois si peuplée, qu'on pouvait y recruter chaque mois des milliers de porteurs."

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