On me pose souvent la question, alors qu'est ce que tu as vu comme animaux au Congo ? Les médias véhiculent encore l'image idyllique de l'Afrique des grands espaces, avec les grands mammifères (éléphants, zèbres, girafes, buffles...), vivants dans une savane de carte postale.
Chasse à l'antilope au Congo français (carte postale vers 1910 - G. Giraud)
Force est de constater que nombre d'espèces animales ont disparu des paysages congolais. Au quotidien, la plupart des Congolais ne voient pas plus d'animaux sauvages que les Européens.
Je dirais même que les plus chanceux des enfants européens, qui ont visité zoos et parcs animaliers, ont vu plus d'animaux d'Afrique que les enfants de Brazzaville ou de Pointe-Noire.
Chasse à l'hippopotame au Congo français (carte postale vers 1910 - G. Giraud)
La chasse à grande échelle est la principale raison de la quasi-disparition de certains animaux au Congo. L'introduction par les européens des armes à feu modernes en grand nombre, à compter de la colonisation active du continent africain dans les années 1870-1900, a sonné le glas des grands mammifères de la brousse.
Retour de la chasse au lion en AEF (carte postale vers 1940)
A titre d'exemple, éteint dans 26 pays, en un siècle, le lion a ainsi disparu de 80% de son territoire d’origine.
Fini le temps où des familles de chimpanzés ou de gorilles traversaient les pistes du Mayombe sous le nez des voyageurs. Spectacle encore fréquent dans les années 1950.
Gorille tué dans un village de Haute-Sangha (carte postale vers 1910 - CD)
Pendant des décennies, c'est à qui veut son trophée et vivre le grand frisson en affrontant la faune locale. Mais la lutte est devenue bien inégale et laisse peu de chance à la bête traquée, contrairement à la chasse traditionnelle.
Bien entendu, la chasse était pratiquée depuis des millénaires avec arcs, flèches, sagaies et pièges de toute sorte.
Petit léopard tué à la chasse (carte postale vers 1900 - CFCO)
Pendant la période coloniale, c'est à qui veut sa photo à côté de la bête vaincue, voire même sur la bête vaincue ! Comme ce colon grimpé sur un éléphant mort au Gabon.
On tue parfois pour se défendre de l'attaque d'une bête sauvage. Mais les Européens chassent rarement les gros animaux pour la viande. Il l'offre aux autochtones, ravis d'en profiter.
Chasse à l'éléphant au Gabon (carte postale vers 1930 - Missions évangéliques)
Ainsi, les clichés de cadavres d'animaux pullulent dans les cartes postales des années 1900-1950. On fait parfois poser les enfants Noirs aux côtés des cadavres de chimpanzés...
Chimpanzé mâle tué au Congo français (carte postale vers 1900 - Visser)
On croit la ressource sans fin et on tue sans compter... Il y a d'autres victimes que les mammifères terrestres, par exemple on pêche le machoiron à la dynamite !
Même les religieux participent au massacre et prennent la pose assis sur leur imposante victime...
Pourtant, certains avaient pressenti le danger. Georges Brousseau, administrateur colonial et compagnon d'exploration de Brazza, écrivait ainsi en 1925, parlant d'une espèce de bœuf du Gabon : " On les retrouve encore aujourd'hui dans ces parages, moins nombreux cependant, à cause de la venue des chasseurs civilisés, ces grands destructeurs d'espèces, plus dangereux que les pires fauves, qui en ont fait depuis quelques années de véritables hécatombes avec les armes à feu modernes ".
Hippopotame tué par un Frère de la mission de Loango (carte postale vers 1920)
Après les indépendances, les africains poursuivent la décimation, seuls, ou avec des invités avides de pratiquer leur "sport" favori.
Exemple récent, celui du roi d'Espagne, chassant l'éléphant au Botswana. Le comble étant qu'il était président d'honneur de la branche espagnole du WWF (association mondiale de protection de la nature) !! Titre dont il a été déchu, après que l'affaire soit dévoilée, suite à son accident de chasse...
Les mentalités n'évoluent guère (j'ai entendu au Congo "les animaux ne peuvent pas disparaître, puisque c'est Dieu qui les a créés !") et dans le contexte de misère, comment reprocher aujourd'hui aux Congolais de chasser pour manger, contrairement à la plupart de leurs prédécesseurs.