En dehors de la pratique des cultures familiales, les habitants de la région de Loango furent recrutés pour travailler dans les plantations.
Notamment pour celles de la CPKN. Il était alors nécessaire de remonter le fleuve Kouilou pour que les ouvriers puissent atteindre les différents sites (N'filou, Magne, Kakamoéka...).
Equipe d'une plantation embarquant sur le fleuve Kouilou (vers 1900 © Marichelle)
Mais les activités des habitants de Loango ne se limitaient pas à la pêche et à l'agriculture, et aux pratiques artisanales s'y rattachant.
Village congolais des environs de Loango vers 1900 (carte postale © R.P. Patron)
Les "Loangos" furent progressivement reconnus à travers le Congo et les pays voisins de l'AEF comme de bons porteurs. L'âge d'or du transport de marchandises par les "caravanes" fût entre 1885 et 1910.
Ce ne fût pas toujours le cas ! L'administrateur Albert Veistroffer écrivait ainsi en 1884 : "Les gens de Loango ne vont jamais au delà de leurs plaines, limitées vers l'Est, c'est à dire vers l'intérieur, à environ 50 kilomètres de la mer, par une grande forêt, qu'ils disent impossible à traverser, et d'où un Fiot (surnom qu'ils se donnent), ne reviendrait pas s'il avait la hardiesse de s'y engager".
Ce n'était donc pas gagné d'avance, les croyances ancestrales ayant la vie dure. Albert Dolisie eut bien du mal à constituer les premières caravanes de porteurs, d'autant plus que les "maisons portugaises" hostiles à l'implantation de la France, soudoyaient les porteurs potentiels afin qu'ils refusent cette tâche.
Equipe de porteurs Loango dans l'Ogooué (carte postale © SHO)
Il fallait alors parcourir des centaines de kilomètres à pied, lestés de dizaines de kilos de marchandises et bien souvent procéder en même temps au transport en tipoye des commanditaires.
Il fallait emprunter des routes poussiéreuses, traverser les marigots, les forêts humides et les plateaux arides, affronter les "chiques" qui rongaient les orteils et les divers parasites.
Sans compter les animaux sauvages, alors nombreux, qui pouvaient parfois attaquer les hommes.
Le cliché ci-dessus montre une équipe de 14 porteurs, dont le "chef" est sans doute celui qui porte le chapeau. Ils sont dans l'Ogooué, à des centaines de kilomètres de Loango.
Caravane de porteurs à Loango vers 1910 (carte postale - Ed. Mission Catholique)
Ce travail était exténuant et l'alcool consommé en grande quantité par les porteurs permettait de s'anesthésier un peu...
Comme le souligne la carte ci-dessus, c'est le "rail" qui mit progressivement fin à l'activité des porteurs, d'abord celui du Congo belge (1898), puis bien sûr celui du Congo français, le Chemin de Fer Congo-Océan (1934).
Sculpteurs d'ivoire à Loango vers 1910 (carte postale © Courboin)
Les Loangos étaient aussi réputés pour le travail de l'ivoire, dans le contexte d'un commerce florissant de cette matière, au début de la colonisation du Congo.
De nombreux clichés montrent les tonnes d'ivoire partant de Brazzaville et de Loango... Mais cet artisanat existait avant l'arrivée en grand nombre des Européens.
Résultat du travail des ivoiriers de Loango (carte postale vers 1910 © Marichelle)
Les défenses d'éléphant elles-mêmes étaient sculptées, ou bien on fabriquait des colliers, des statuettes et de petits objets en ivoire.
La sculpture pratiquée au Congo était parfois considérée comme grossière par les occidentaux. Mais elle connut un regain d'intérêt quand l'Art Nègre fût à la mode et le cubisme en vogue.
Tailleurs à Loango vers 1910 (carte postale © Courboin)
Un autre activité artisanale pratiquée par les Loangos était la confection de vêtements. Les tailleurs, équipés des machines à coudre à manivelle, puis à pédale comme la célèbre Singer, pratiquaient leur savoir-faire au Congo et dans les pays voisins.
Boys Loango à Brazzaville vers 1905 (carte postale © Vialle)
Un autre emploi majeur des Loangos était celui de "boy". Il était impensable qu'un colon ne dispose pas d'un ou plusieurs boys à son service.
Si l'on en croit le cliché ci-dessus, ces boys Loango exerçant à Brazzaville s'habillaient élégamment à l'européenne. Celui assis au centre arbore une cravate et fume la pipe, porte une canne, ce qui n'est nullement justifié par son âge. Ils portent tous les trois des souliers vernis et... une coiffure avec la raie sur le côté !
Ces dandys du début du 20ème siècle sont sans doute les précurseurs des sapeurs congolais !!
Source : Vingt ans dans la brousse africaine - Albert Veistroffer - Ed. Mercure de Flandre - 1931