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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 09:30

Nous poursuivons notre cheminement sur la voie ferrée. Nous ne savons pas à quoi ressemble le monument commémorant symboliquement la liaison entre la portion de la voie ferrée partie de Brazzaville et celle partie de Pointe-Noire. Je sais juste qu'il comporte une plaque avec un texte gravé. Nous avons peur de passer à côté sans le voir... surtout si la nature a pris le dessus ! Ce qui arrive rapidement ici.

Le temps est encore nuageux et nous ne souffrons pas de la chaleur au cours de notre marche. Trois jeunes garçons nous accompagnent dans notre modeste exploration. A un villageois qui s'enquière de loin du motif de notre présence, Manu laisse croire que je suis un descendant (un petit-neveu ou arrière petit-neveu) du Lieutenant Favre. Sans doute des membres de sa famille sont-ils déjà venus à Moubotsi. Vu sa mort assez jeune à 27 ans, je présume qu'il n'a pas eu d'enfants. L'hypothèse du descendant indirect est donc crédible !

Nous croisons un groupe de femmes qui nous saluent d'un "M'boté" sympathique. Je réponds de même. Christ est surpris et me demande si je connais la signification du mot que j'ai prononcé... Bien sûr, c'est quand même la huitième fois que je séjourne au Congo. Même si c'est pour de courtes durées, j'ai quand même appris à dire bonjour !!

 

moubotsi-gare-favre-monument

Stèle commémorant l'achèvement du CFCO en 1934


Après une courbe, nous découvrons sur notre gauche le monument, abrité par une couronne d'arbres. Il n'est pas envahi par la végétation, le lieu "historique" a été entretenu. Il est assez loin de la gare, à plus d'un kilomètre je pense. 

La stèle d'environ 2 mètres de haut est constituée de pierres de deux couleurs différentes. Une pierre grise (du granite ?) et une pierre ocre (du grès ?). Je ne sais pas si ces pierres proviennent du massif du Mayombe, mais ce serait dans la logique des choses. 

 

moubotsi-favre-plaque-cfco

Plaque de la stèle du C.F-C.O

 

La plaque de bronze rappelle que le 29 mai 1934, le Gouverneur Général Antonetti a posé ici le dernier rail, serré le dernier boulon, réalisant ainsi la liaison entre le Congo (le fleuve) et l'Océan (Atlantique). D'où le nom bien sûr de la voie ferrée et de la compagnie qui l'exploite, "Chemin de Fer Congo-Océan".

Deux petites plaques latérales indiquent respectivement les distances depuis Pointe-Noire (190,050 km) et depuis Brazzaville (320,290). On doit la sobre stèle commémorative à MM. Motch, Fredon et Squarcioni (ce dernier a laissé sa signature sur la plaque de bronze).


Cette liaison entre les deux parties de la voie ferrée ne signait pas tout à fait la fin des treize ans de travaux, puisqu'il fallut attendre le 10 juillet 1934 pour l'inauguration officielle de la ligne. 

 

moubotsi-favre-congo-océan

Christ et moi devant le monument du CFCO

 

Bien entendu, on n'échappe pas à la photo souvenir. Je prends la pose aux côtés de Christ. Puis c'est au tour de Manu, qui prend place avec les 3 jeunes garçons qui nous ont suivi. Ils ne sont pas farouches et ont vite "adopté" Manu !

 

moubotsi-favre-gare-enfants

Manu et des enfants du village de Moubotsi

 

On peut regretter qu'il ne soit pas fait mention sur ce monument du coût humain important lié à la construction de cette ligne ferroviaire, pas même une allusion, ni même un petit hommage au Lieutenant Favre qui a donné son nom à cette gare, et qui aurait pu prendre place au verso de la stèle.

Ce n'était pas l'objectif d'Antonetti qui voulait élever une stèle à sa propre gloire et laisser une trace pour la postérité. Huit décennies s'étant écoulées, la polémique sur la construction du CFCO (très virulente en France dans les années 1920-1930) étant apaisée, rien n'empêcherait les autorités congolaises de "compléter" la stèle par un hommage aux victimes de toute origine.

Notons qu'une gare dénommée "Les Saras" évoque d'ores et déjà le lourd tribut payé par ses ouvriers du chantier du Congo-Océan venus du Tchad. De même, celle dénommée "Les Bandas" évoque la mémoire des ouvriers d'une ethnie originaire d'Oubangui-Chari (correspondant en majorité à la Centrafrique d'aujourd'hui).


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commentaires

F
<br /> Monsieur Fabrice;<br /> <br /> <br /> Je viens de découvrir le reportage que vous avez réalisé sur Moubotsi, ex-Favre. Je suis très ému, car c'est le village de mon enfance. Je revois le chef de gare et son sifflet , les grands<br /> arbres que nous appelions Moutoko. Enfin le monument. Enfants je fréquentais l'école primaire qui n'est pas loin de ce monument Le maître en la personne de Monsieur Bassafoula Emmanuel nous<br /> racontait l'histoire de Monsieur Favre et sa mort tragique. Grâce à votre travail je revis ma vie de Moubotsi comme si le temps n'avait pas fait des ravages. Pauvre Moubotsi, comme vous le<br /> soulignez dans votre blogue, aucun mot de reconnaissance à l'égard des travailleurs noirs morts pour le développement du Congo. Ce monument a été érigé à la gloire des colonisateurs. Je suis<br /> parti de Moubotsi, il y a environ quarante ans, mais je reste attaché à ce village. Merci Fabrice pour votre travail.<br />
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F
<br /> <br /> Monsieur Freddy, merci pour ces souvenirs d'enfance, époque où l'instituteur vous contait le triste sort du Dr Favre.<br /> <br /> <br /> Il manque un hommage aux travailleurs Noirs sur le monument de Moubotsi, mais la dénomination donnée aux gares "Les Saras" et "Les Bandas" répare en partie cette injustice.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Merci Fabrice, pour ton travail fabuleux..<br /> <br /> <br /> J'avais toujours pensé que le chantier du CFCO avait débuté de PN, comme c'est le port, et que les matériaux avaient étés transportés en empruntant, la voie déjà posée..<br /> <br /> <br /> Là on apprend qu'il y avait deux chantiers. Un venant de Brazza qui avait 320 km et un de PN de 190 km. Cela veut dire qu'on a transporté jusqu'à Brazza 320 km de rails soit environ 32'000 tonnes<br /> (Si on compte 2x50 kg par m ) sans compter les traverses ! Comment a t'on pu transporter ces quantités phénoménales alors qu'il n'y avait pas encore de voie ferrée ? Peut être en passant par<br /> Madadi et le chemin de fer du Congo Belge, puis par bac de Kinsasha à Brazza ? Tout de même cela ne devait pas être simple...<br />
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F
<br /> <br /> Bonjour Daniel,<br /> <br /> <br /> Eh oui, on a bien commencé le chantier des deux bouts ! Effectivement, on trouve des témoignages de l'apport de matériaux par la voie ferrée "belge" Matadi-Kinshasa, puis de la traversée du<br /> fleuve Congo vers Brazzaville. Pas le choix à l'époque !<br /> <br /> <br /> Le volume est impressionnant, mais le chantier a duré 13 ans.<br /> <br /> <br /> Puis vers 1929-1930, on a tracé une route qui a permis de pouvoir relier par voie terrestre Brazzaville à Pointe-Noire. Le "sentier de fer" (voie Decauville), construit avant la voie ferrée,<br /> permettait également de transporter les matériaux.<br /> <br /> <br /> <br />
Y
<br /> S'il est vrai que le nom de les Saras provient d'une ethnie tchadienne qui a payé un lourd tribut à la construction du CFCO, le nom d'une autre gare les Bandas, juste à la sortie du Mayombe côté<br /> Niari, est dans un cas similaire et fait référence à une ethnie originaire de Centre Afrique, du Cameroun et du Congo B.<br />
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F
<br /> <br /> Merci pour cette précision !<br /> <br /> <br /> <br />