Après le square de Gaulle, nous descendons la verte avenue qui porte le nom du fondateur de la ville, pour retrouver le premier monument construit en son honneur. Contrairement au jour de notre arrivée, les forces de l'ordre se font discrètes... Les photos vont se faire sans souci.
Il s'agit encore une fois d'une œuvre de l'architecte Erell (Roger Lelièvre). Sur le promontoire de Bacongo dominant le fleuve, une singulière construction pyramidale domine les environs. Elle est appelée le "phare de Brazza". Pour être honnête, on n'est pas emballé par le monument ! Il est très austère et a perdu de sa superbe. On est loin de l'originalité esthétique et architecturale de la basilique Sainte-Anne, pourtant conçue à la même époque. Le "phare" en béton, dépouillé, comporte trois degrés sur une quinzaine de mètres de hauteur.
Le "phare de Brazza" hommage à l'explorateur (1944)
Il comportait sur l'une de ses faces, une phrase dont seules trois lettres subsistent (T SE). Les lettres d'acier indiquaient en fait à l'origine la dédicace du monument "A Savorgnan de Brazza et ses compagnons". Hommage donc aux fondateurs de la ville et aux premiers colonisateurs du Congo.
Lettres vestigiales du monument
Le monument comportait aussi des bas-reliefs (en céramique) du sculpteur Barroux mais ils ont été saccagés dans les tourments révolutionnaires des années 1960 (cf Monument de Brazza, le "phare" au fil du temps... ). Les environs sont un peu à l'abandon, herbes folles, détritus et végétation brûlée ne concourent pas à donner une bonne impression.
Les moyens devaient manquer à l'époque pour "faire mieux". Le monument a en effet été inauguré le 30 janvier 1944 (avant l'ouverture de la Conférence de Brazzaville) par le Général de Gaulle, en présence de Marthe de Brazza, la fille du célèbre explorateur. Le "phare" était parait-il encore en chantier...
Marthe de Brazza devant le phare, le 30 janvier 1944
(© Office français d’information cinématographique)
On retrouve aux côtés de Marthe de Brazza (qui repose aujourd'hui au récent mémorial dédié à son père, cf Brazzaville : mausolée Savorgnan de Brazza ), la femme du Makoko (1), roi Batéké qui avait signé le célèbre traité en 1880 avec Pierre Savorgnan de Brazza. L'opération politique n'est pas innocente et profite aux deux parties (renforcer l'autorité coloniale et restaurer le prestige du royaume Téké auprès des populations). La Reine Ngalifourou est décorée à cette occasion par de Gaulle.
Phare de Brazza vers 1955 (carte postale Hoa Gui)
Le phare ne fût achevé qu'en 1952 (centenaire de la naissance de l'explorateur). On peut apercevoir les bas-reliefs disparus (sur la face du côté de l'avenue) sur une carte postale de l'époque. Un plus vaste projet touristique qui devait voir le jour en ces lieux n'a jamais pris corps.
Vous l'avez compris, le monument, même s'il évoque des moments historiques, n'est pas l'intérêt principal du lieu. C'est la vue formidable sur le fleuve Congo !
Sources :
(1) http://www.brazza.culture.fr : ce site présente une légende de cette photo indiquant qu'il s'agit de la fille du Makoko. Mais de nombreux indices portent à croire qu'il s'agit bien de la reine Ngalifourou en personne, femme du Makoko Iloo 1er, née en 1864.
Dans l'album "Dolisie années 1950", Yves Jandon présente la photo de cette même femme en 1951. Elle porte la décoration reçue en 1944 (très probablement la croix d'Officier de l'Ordre colonial de l'Etoile d'Anjouan) et on reconnait au centre la Légion d'Honneur attribuée à la reine Ngalifourou en mars 1949 par le Gouverneur du Moyen-Congo. Les dates des deux photos (1944 et 1951) et d'attribution des décorations sont cohérentes. La reine meurt en 1956.
Démocraties ambiguës en Afrique centrale: Congo-Brazzaville, Gabon, 1940-1965 - Florence Bernault - 1996.
La reine Ngalifourou, souveraine des Téké : dernière souveraine d'Afrique noire - Eugénie Mouayini Opou - 2006
Petit Guide historique de Brazzaville - H. Brisset-Guibert- 2007