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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 09:30

Après le square de Gaulle, nous descendons la verte avenue qui porte le nom du fondateur de la ville, pour retrouver le premier monument construit en son honneur. Contrairement au jour de notre arrivée, les forces de l'ordre se font discrètes... Les photos vont se faire sans souci.


Il s'agit encore une fois d'une œuvre de l'architecte Erell (Roger Lelièvre). Sur le promontoire de Bacongo dominant le fleuve, une singulière construction pyramidale domine les environs. Elle est appelée le "phare de Brazza". Pour être honnête, on n'est pas emballé par le monument ! Il est très austère et a perdu de sa superbe. On est loin de l'originalité esthétique et architecturale de la basilique Sainte-Anne, pourtant conçue à la même époque. Le "phare" en béton, dépouillé, comporte trois degrés sur une quinzaine de mètres de hauteur.

 

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Le "phare de Brazza" hommage à l'explorateur (1944)

 

Il comportait sur l'une de ses faces, une phrase dont seules trois lettres subsistent (T SE). Les lettres d'acier indiquaient en fait à l'origine la dédicace du monument "A Savorgnan de Brazza et ses compagnons". Hommage donc aux fondateurs de la ville et aux premiers colonisateurs du Congo.

 

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Lettres vestigiales du monument    

 

Le monument comportait aussi des bas-reliefs (en céramique) du sculpteur Barroux mais ils ont été saccagés dans les tourments révolutionnaires des années 1960 (cf Monument de Brazza, le "phare" au fil du temps... ). Les environs sont un peu à l'abandon, herbes folles, détritus et végétation brûlée ne concourent pas à donner une bonne impression.

 

Les moyens devaient manquer à l'époque pour "faire mieux". Le monument a en effet été inauguré le 30 janvier 1944 (avant l'ouverture de la Conférence de Brazzaville) par le Général de Gaulle, en présence de Marthe de Brazza, la fille du célèbre explorateur. Le "phare" était parait-il encore en chantier... 

 

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Marthe de Brazza devant le phare, le 30 janvier 1944

(© Office français d’information cinématographique)


On retrouve aux côtés de Marthe de Brazza (qui repose aujourd'hui au récent mémorial dédié à son père, cf Brazzaville : mausolée Savorgnan de Brazza ), la femme du Makoko (1), roi Batéké qui avait signé le célèbre traité en 1880 avec Pierre Savorgnan de Brazza. L'opération politique n'est pas innocente et profite aux deux parties (renforcer l'autorité coloniale et restaurer le prestige du royaume Téké auprès des populations). La Reine Ngalifourou est décorée à cette occasion par de Gaulle.

 

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Phare de Brazza vers 1955 (carte postale Hoa Gui)

 

Le phare ne fût achevé qu'en 1952 (centenaire de la naissance de l'explorateur). On peut apercevoir les bas-reliefs disparus (sur la face du côté de l'avenue) sur une carte postale de l'époque. Un plus vaste projet touristique qui devait voir le jour en ces lieux n'a jamais pris corps.


Vous l'avez compris, le monument, même s'il évoque des moments historiques, n'est pas l'intérêt principal du lieu. C'est la vue formidable sur le fleuve Congo !

 

 

Sources : 

(1) http://www.brazza.culture.fr : ce site présente une légende de cette photo indiquant qu'il s'agit de la fille du Makoko. Mais de nombreux indices portent à croire qu'il s'agit bien de la reine Ngalifourou en personne, femme du Makoko Iloo 1er, née en 1864.

Dans l'album "Dolisie années 1950", Yves Jandon présente la photo de cette même femme en 1951. Elle porte la décoration reçue en 1944 (très probablement la croix d'Officier de l'Ordre colonial de l'Etoile d'Anjouan) et on reconnait au centre la Légion d'Honneur attribuée à la reine Ngalifourou en mars 1949 par le Gouverneur du Moyen-Congo. Les dates des deux photos (1944 et 1951) et d'attribution des décorations sont cohérentes. La reine meurt en 1956.


Démocraties ambiguës en Afrique centrale: Congo-Brazzaville, Gabon, 1940-1965 - Florence Bernault - 1996.

La reine Ngalifourou, souveraine des Téké : dernière souveraine d'Afrique noire - Eugénie Mouayini Opou - 2006

Petit Guide historique de Brazzaville - H. Brisset-Guibert- 2007

 

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 09:20

Le troisième épidose historique est un nouveau pas vers la décolonisation. Le 24 août 1958, le général de Gaulle engage à Brazzaville la décolonisation de l'Afrique Noire en proposant la création de la "Communauté". Quatorze ans après la Conférence de Brazzaville, il s'agit cette fois-ci d'amorcer sérieusement l'autonomie politique. De Gaulle de retour au pouvoir suite à la crise algérienne est alors Président du Conseil. Cette démarche sera le fondement de l'Indépendance du Congo deux ans plus tard.

 

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Le général de Gaulle à Brazzaville, le 24 août 1958 (© AFP) 

 

Ce 24 août, une tribune tricolore est dressée au stade qui porte désormais le nom de Félix Eboué, tout près de la basilique Sainte-Anne. Le général de Gaulle prononce ce jour là dans la capitale de l'AEF qu'il connaît bien, le "discours de Brazzaville". Il évoque d'abord le passé et sa reconnaissance envers le Congo :

" Pour moi, dans ces lieux historiques, que de souvenirs remontent dans mon esprit et dans mon coeur, souvenirs que nous avons symbolisés tout à l'heure, quand nous sommes allés, nous incliner devant la stèle élevée à la mémoire du Gouverneur Général Félix Eboué. Que d'émotions provoquent en moi l'accueil magnifique que m'a fait la population de Brazzaville depuis hier soir, et l'extraordinaire concours qu'elle apporte à cette réunion. Emotion et assentiment provoqués aussi par les belles éloquentes paroles que vient de prononcer le Président Boganda. Tous ces souvenirs et ces émotions m'obligent à parler aujourd'hui devant vous de la façon la plus claire en même temps que la plus fraternelle. Il s'est trouvé que c'est à Brazzaville, par une sorte de décision du destin, que s'est levée d'abord la France Libre, et que se sont organisés, avec elle, les territoires africains qui, une fois de plus luttèrent pour la même cause."

 

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Félix Eboué et Charles de Gaulle en février 1944 à Brazzaville (© AFP)


Il tient ensuite des propos qui feront l'effet d'une bombe, car les ambiguïtés sont enfin levées : 

"Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d'en décider eux-mêmes, bref de se gouverner eux-mêmes " [...] "On dit: "Nous avons droit à l'indépendance." Mais certainement oui. D'ailleurs l'indépendance, quiconque la voudra pourra la prendre aussitôt. La métropole ne s'y opposera pas...". Il donne alors le choix entre la "Communauté avec la France et l'indépendance dans la sécession". 

Charles de Gaulle avait entamé le 20 août un périple africain de 20.000 km qui le conduit en une dizaine de jours au Tchad, en Algérie, au Congo-Brazzaville, en Côte d'Ivoire, en Guinée, à Madagascar et au Sénégal.

Mais c'est à Brazzaville que de Gaulle propose "au suffrage de tous les citoyens des territoires d'Afrique et des citoyens de métropole" de former une Communauté, dans laquelle chacun des Etats membres accédera à l'autonomie, avec un pouvoir exécutif et législatif. Il propose que relèvent de l'exécutif de la Communauté, les secteurs de la défense, la politique étrangère, la politique économique et la justice. A tout moment, un membre de la Communauté pourra, en faisant appel au vote de son peuple, prendre son indépendance.

 

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Charles de Gaulle au stade Eboué de Brazzaville le 24 août 1958 (© INA)


Le général de Gaulle précise également que chaque territoire pourra prendre son indépendance en votant non au référendum sur la Constitution de la Vème République, et ce dès le 28 septembre 1958. Finalement, les électeurs de métropole et des territoires d' outre-mer se prononcent massivement en faveur de la nouvelle Constitution. Exception notable, la Guinée d'Ahmed Sékou Touré qui se prononce contre. Le pays opte pour son indépendance le 2 octobre 1958.

La Communauté voulue par de Gaulle regroupe alors à l'automne 1958, tous les autres anciens territoires de l'AOF et de l'AEF en tant que "Républiques membres de la Communauté". Mais au cours de l'année 1960, ces Etats africains vont accéder inéluctablement à leur indépendance : Cameroun, Sénégal, Togo, Madagascar, Dahomey (devenu Bénin), Niger, Haute-Volta (actuel Burkina Faso), Côte d'Ivoire, Tchad, Centrafrique (ancien Oubangui-Chari), Congo-Brazzaville, Gabon, Mali et Mauritanie.

 

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Malraux (à gauche) et Youlou (au centre) le 15 août 1960 à Brazzaville (© AFP)

 

Lors des cérémonies de l'Indépendance du Congo le 15 août 1960, c'est André Malraux qui représente la France. Il prononce évidemment un discours et inaugure à Brazzaville avec Fulbert Youlou, Président de la République, le "square de Gaulle". La boucle est bouclée...



Sources principales : 
http://www.charles-de-gaulle.org
De Gaulle et la bombe de Brazzaville - Claude Krief - L'Express- 2010
http://www.ina.fr/politique/allocutions-discours/video/AFE85007977/voyage-de-de-gaulle-a-brazzaville.fr.html
http://www.malraux.org
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